|
| |
|
|
|
|
  rohagus
| Deux grands noms de la BD s'associent pour nous offrir ce one-shot. Denis Lapière, c'est l'auteur notamment du Bar du vieux Français, d'Un peu de fumée bleue... ou encore du Tour de Valse. Et Dany, que j'affectionne tout particulièrement, c'est l'auteur entre autres d'Olivier Rameau et d'Histoire sans Héros, même si beaucoup le connaissent aussi pour les nombreux gags sexy qu'il a dessinés. Avec Un homme qui passe, nous nous éloignons de l'humour pour nous placer dans le domaine graphique réaliste d'Histoire sans Héros même si les belles femmes sensuelles ont une importance très grande dans ce récit.
C'est l'histoire de Paul, un reporter photographe âgé, ayant connu le succès et ayant bourlingué partout dans le monde. Il vit maintenant en solitaire dans une petite maison sur l'île Chausey et semble prêt à mettre fin à ses jours. C'est à ce moment-là, en pleine tempête, qu'il aperçoit une fusée de détresse et part en mer sauver une jeune femme qu'il ramène ensuite chez lui. Hasard ou pas, cette femme travaille pour son éditeur et se met à l'interroger sur son dernier projet en préparation, une suite de portraits de femmes plus belles les unes que les autres. Ces femmes, Paul les a toutes ou presque connues intimement et les a toutes aimées. Mais jamais il ne s'est décidé à s'engager pour de bon avec la moindre d'entre elles...
Le dessin de Dany est épatant dans cet ouvrage. En couleurs directes, il peint superbement les flots déchaînés et les îles normandes aux rochers de granit, le visage buriné d'un vieux héros, les corps sensuels de femmes aux personnalités diverses, des décors exotiques de toutes les parties du monde, Afrique, Asie, Amérique du Sud... C'est un festival où il fait la preuve de toute sa maîtrise graphique au fil des années. Rien que pour le dessin, cette BD vaut le coup !
L'histoire, quant à elle, se partage en deux trames. Il y a d'une part le huis-clos entre ce vieil homme et cette jeune femme dont on sent très vite qu'elle n'est pas là par hasard et qu'il y a un drame en suspens. Et il y a d'autre part ce récit des nombreuses conquêtes du héros, de si belles femmes et dans des endroits tellement romantiques et spectaculaires, aux quatre coins du monde, que j'ai volontiers fait le lien avec une autre œuvre d'un auteur arrivé au sommet de son art, à savoir Will et son Jardin des désirs.
Ce fameux Paul a quelque chose de Don Juan, à ceci près que ce dernier alignait les conquêtes pour le plaisir de l'art de la séduction seulement, tandis que Paul vise pour sa part le bonheur éphémère des relations passionnées, qu'elles durent une nuit ou quelques ans, le plus souvent par intermittence. Il aime donc sincèrement ces femmes, mais se refuse à demeurer pour de bon avec aucune d'entre elles... probablement inconscient des conséquences que cela pourrait éventuellement engendrer.
C'est une intrigue qui tient la route même si, comme la jeune femme du récit le fait remarquer, il s'en dégage un état d'esprit d'un autre âge, celui fantasmé des séducteurs qui font tomber les plus belles femmes du simple regard intense de l'homme d'expérience et les enchaînent comme une galerie de trophées, concept que Paul rejette avec force, ceci dit. Quand vient le dénouement, on se dit qu'il est crédible. Et ce n'est finalement pas la statue du Commandeur qui abattra ce Don Juan mais une autre forme de punition divine un peu plus inattendue et cruelle que celle que j'imaginais.
Je reste tout de même un peu sur ma faim car j'aurais aimé de la part de deux auteurs d'un tel talent qu'ils mettent leur expérience et leur superbe dessin à une intrigue qui prenne un peu plus son envol et nous fasse bourlinguer dans une vraie aventure plutôt que parmi les souvenirs d'un autre. |
|
|
|
|
|
| |
| |