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| Mizuki pose une question aujourd’hui encore sans réponse : qui était Hitler ? Pour résoudre cet effrayant mystère, il convoque les avatars du Führer : l’étudiant famélique, le caporal bavarois, l’agitateur politique, le chancelier du Reich, le chef de guerre. De la synthèse de ces images multiples et contradictoires naît un personnage rusé et naïf, cabotin et cruel, inquiétant et ridicule, silhouette dérisoire qui rit, sifflote, enrage, pleure et répète : « Mon empire durera mille ans. » Son expression se concentre dans ses moustaches et surtout un regard, tour à tour hypnotique comme celui de Mabuse ou mouillé comme celui d’un chien battu. Pour décor, le mangaka use de photos d’archives, qui soulignent la froide réalité de la tragédie mais aussi créent l’ambiance expressionniste et angoissante d’une Allemagne hantée, où rôde la Mort montée sur son cheval pâle. |
  herbv
| Shigeru Mizuki n’a pas fait que des mangas sur les yokai, ces monstres du folklore japonais. Outre son excellent Opération Mort, paru en français en 2008, l’auteur a réalisé le présent Hitler, une biographie en manga du dictateur qui a mis à feu et à sang la majeure partie de l’Europe et le reste du monde. Il utilise là aussi son style si particulier mélangeant personnages dessinés sommairement et des décors fouillés, parfois réalisés d’après des photos d’archive.
Couvrant la période allant de 1908 à 1945, c'est-à-dire de la jeunesse d’Adolf Hitler jusqu’à son suicide, le récit met en avant en permanence l’instabilité mentale de celui-ci. Cependant, à la différence d’un Tezuka ou d’un Ishinomori, ou en utilisant une mise en page cinématographique « à la gekiga », cette folie n’est pas représentée graphiquement. Elle est affirmée par le biais d’un narratif venant souligner un trait resté très sobre.
Il en résulte une œuvre qu’on lit avec un certain détachement, presque comme un rapport. Si cette distanciation fonctionnait plutôt bien avec Opération Mort, il n’en est pas tout à fait de même avec Hitler, d’autant que certains raccourcis font qu’il est difficile de bien comprendre les mécanismes de l’accession au pouvoir du Führer. De plus, il y a un problème avec la gestion du temps, certaines parties de la vie d’Hitler sont traitées trop rapidement, notamment toute la période de la Seconde Guerre mondiale.
Certes, on ne s’ennuie pas à la lecture des presque 190 pages de l’ouvrage mais on ne s’implique pas non plus et on n’essaye pas de faire l’effort de comprendre la psychologie des personnages ni les rapports de forces en présence ou le fonctionnement de la société allemande de la première moitié du XXe siècle. Un Mizuki très moyen, somme toute, surtout comparé, une nouvelle fois, à Opération Mort, paru au Japon un an après.
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