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© L'Association

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Hicksville
ScénarioHorrocks Dylan
DessinHorrocks Dylan
CouleursNoir et Blanc
Année2001
EditeurL'Association
CollectionCiboulette
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

Deux personnes arrivent en même temps à Hicksville, un après-midi ensoleillé de Nouvelle-Zélande : Leonard Batts, un critique américain de comics, et Grace Pekapeka, une native du village. Leonard, venu faire un livre sur le dieu vivant des comics, Dick Burger, originaire d'Hicksville lui aussi, se trouve vite en butte à l'hostilité des villageois. Grace se réapproprie peu à peu les lieux de son enfance...

 

3 avis

man
Ils sont rares, les livres comme ceux-là, que l'on peut lire et relire cent fois, sans jamais lire deux fois le même. Ceux qu'on peut prendre dans sa bibliothèque, pour relire au milieu un passage que l'on avait aimé – passage qui nous rappelle un autre, et ainsi de suite, jusqu'à finir par avoir lu le livre en entier sans vraiment qu'on s'en soit rendu compte. Ces livres-"bibles", qui portent tant d'histoires en eux, qui ouvrent tant de réflexions, tant de pistes nouvelles. Je ne peux pas compter les idées qui m'ont ouvert de nouveaux horizons, et qui me font encore rêver. Est-ce cette grande satire de l'industrie des comics qui m'a le plus marqué ? Ou est-ce la bibliothèque secrète d'Hicksville, qui offre une histoire parallèle de la bande dessinée ? Ou bien encore Emil Kopen, cet auteur imaginaire qui compare son métier à la cartographie ? A moins que ce ne soient ces personnages si subtils, qui font passer tant d'émotions ? Non, ce sont toutes ces idées imbriquées, et toutes ces intrigues croisées qui m'ont touché, et qui font la force d'Hicksville. Force qui manquerait aussi sans le dessin simple mais tellement superbe par instants, exploité avec doigté par l'auteur pour l'adapter à chaque registre. On voit d'ailleurs à l'évolution du style qu'il s'agit d'un travail de longue haleine, qui a été pendant six ans l'objet de son attention.

Je crois pour ma part que Dylan Horrocks a, dès son premier livre, réalisé son chef-d'œuvre. Son chef-d'œuvre, dans le sens premier du terme : le couronnement de son œuvre, celui dans lequel elle est toute entière contenue. Il est encore trop tôt pour vraiment l'affirmer, mais Hicksville est tellement riche, repose sur tellement de concepts profonds, qu'il ne peut que l'explorer dans tous les sens, comme il a déjà commencé à le faire avec "Atlas", une biographie d'Emil Kopen. Pour moi c'est aussi simple que ça : Hicksville, c'est Horrocks et Horrocks c'est Hicksville.
Oslonovitch
Quelle BD hors normes! Le format (plus de 200 planches), les histoires qui se mêlent et avec elles les points de vue narratifs, mais aussi les références à la culture du comics font de Hicksville un pavé vraiment à part dans la production BD.

J'avoue que les premières pages sont assez obscures, dans le sens qu'on ne sait vraiment pas vers où on s'embarque. Mais c'est le lot habituel de toutes les histoires recelant une partie de mystère. Là où l'auteur fait fort c'est qu'il parvient à tout de suite nous intéresser, à capter l'attention du lecteur et qu'il réussit à nous attirer vers les personnages qu'il s'amuse à mettre les uns en face des autres. Et pourtant ce n'était pas un pari facile au vu de la structure narrative de cette BD… Le fond de l'histoire est toute bête mais présenté de façon ingénieuse, mêlant narration standard et flash-back alternés avec des scènes de comics servant de support à l'histoire. Dylan Horrocks réalise une véritable prouesse technique sur le plan de la narration, c'est incontestablement le point fort de cette BD. C'est un exercice difficile dont il se sort avec plus que les honneurs. Plus on progresse, plus le mystère s'épaissit mais paradoxalement plus la lecture devient aisée, agréable.

Deuxième point : Hicksville est une véritable déclaration d'amour de Dylan Horrocks pour le monde des comics. Comme dans toute histoire d'amour, il y a le côté positif, la passion, l'adoration avec des références par dizaines à des auteurs réels de comics; mais il y a aussi le côté obscur de l'amour passion et les interrogations que pose l'auteur au sujet de ce monde là : ses méthodes, ses histoires de création, de pognon, de talent… Et bien entendu si Dylan Horrocks choisit le sujet qu'il adore, le comics, cette histoire peut très facilement se transposer à n'importe quel autre univers créatif, ciné, bouquin, poésie, etc…

Pas besoin d'être un fan inconditionnel de comics pour apprécier Hicskville donc, pour ma part qui suis un béotien en la matière, j'ai appris beaucoup de choses avec cette BD, par l'histoire mais aussi par le glossaire joint à la fin, qui donne les noms et de très brèves (mais utiles) informations sur tel ou tel grand auteur de comics des années 50, 60, ainsi que sur les héros (Hulk, le surfer d'argent, etc…)

Parlons un peu du point "faible" de Hicksville, et encore c'est un bien grand mot, mais à côté du scénario excellent, le faible s'apparente à du bon/très bon… Je veux parler ici du dessin… C'est du noir et blanc, sans fioritures, sans faute de goût et qui colle très bien à l'ambiance vraiment à part de cette BD. Les dessins en eux-mêmes ne sont pas révolutionnaires, les visages sont quasiment tous les mêmes, femmes ou hommes, vieux ou jeunes. Le trait est parfois gras, parfois moins, c'est assez irrégulier et le moyen côtoie le très bon. Mais c'est un dessin qui colle très bien à l'histoire mais aussi au décor, au fond du récit, et du coup qui passe bien.

Au final une BD très réussie, plus de 200 planches pendant lesquelles on n'a pas le temps de s'ennuyer. Une BD qui réussit admirablement bien ce patchwork narratif. Il n'y a pas qu'un seul niveau de lecture, il y en a bien plus et à vrai dire, deux jours après la lecture d'Hicskville je suis certain d'en trouver d'autres plus tard. Cette BD parlera aux amoureux de BD, de comics, d'histoire humaine mais aussi de tout lecteur nanti d'un minimum d'esprit créatif.
sixpieds
Gros pavé ayant pour thème central le monde des comics, l’ouvrage se révèle à la fois complexe dans sa structure, limpide dans son propos et réconfortant pour les âmes sensibles des amateurs de bande dessinée, perplexes devant le succès de tant d’ouvrages minables. Plusieurs récits s’entrelacent, reconstruisant un puzzle à la fois nostalgique et acerbe. Hicksville est un bled perdu au fin fond de la Nouvelle Zélande dont est issu Dick Burger, récent magnat du comics américain de super-héros. Un journaliste de la revue Comics-world (alias Le Comics journal) du nom de Leonard Batts y part en repérages, tout juste auréolé du succès de son dernier livre sur Jack Kirby. Son nouveau projet porte sur le nouvel homme fort du comics. Persuadé d’être accueilli royalement par les péquenots du coin, il déchantera vite en constatant que Dick Burger est considéré dans ce petit microcosme comme un traître ayant commis un acte impardonnable dont personne ne veut lui révéler la teneur. Autre fait curieux, tout les habitants de ce " trou du cul du monde " semblent être hyper-pointus en bande dessinée et collectionnent des comics et fanzines obscurs des quatre coins du monde. La bibliothécaire locale possède même en plusieurs exemplaires d’anciens comics devenus mythiques dont lui, le journaliste professionnel, a tout juste entendu parler. En parallèle, Sam Zabel, auteur de comics local et ami d’enfance de Dick Burger fait son retour au village après s’être fait virer du principal magazine humoristique de la région. Quel secret sur Dick Burger cachent les habitants d’Hicksville ? D’ou tiennent-ils leur savoir et leurs collections sur le monde du comics ? Pourquoi Dick Burger qui va recevoir une prestigieuse distinction dans sa profession fait-il un pont d’or à Sam Zabel ? Et ce ne sont là que les premières questions.
Critique impitoyable et définitive de l’industrie du comics aux États-Unis, Hicksville regorge d’allusions à la réalité, dont la principale se focalise sur la rapide montée en puissance du groupe Image aux USA (Spawn, Wild-cats, ...), par le biais du personnage de Dick Burger. Ironie du sort et tel un running-gag, un certain Todd (Mc Farlane, l’un des fondateurs d’Image avec Liefield, Valentino, Lee, Portacio et Silverstri) n’arrête pas d’appeler Dick sur son portable pour se plaindre de son sort d’employé mal-aimé et ruminant sa gloire passée. Il finira par se faire virer. L’univers du comics mainstream y est décrit avec un réalisme confondant de milieu de chacals courant après les dollars et manipulant à tour de bras les nombreux prétendants à l’accession à un monde de la BD totalement fantasmé. À l’opposé, Dylan Horrocks tisse des trames nostalgiques sur ses lectures d’enfances, opposant les constructions narratives des pockets d’antan et l’agilité graphique de leurs auteurs aux statismes pompeux des comics actuels, stériles de nouveaux mondes. Sam Zabel, alter-ego de Dylan Horrocks croise les auteurs de son enfance, relégués au rang de potiches antiques dans la grand messe médiatique des nouveaux maîtres ; flirte avec des actrices improbables reprenant les rôles des personnages des comics, accréditant par là l’imbrication des médias couvrant la chaîne de production du divertissement à laquelle la bande dessinée n’échappe plus. Il cherche ainsi son chemin en tant qu’auteur (ayant réellement quelque chose à dire ?) et homme (la bande dessinée peut-elle dépasser son image d'art de l’enfance ?). Le rapport entre ces lectures nostalgiques, naïves, viennent se heurter à la production à la chaine du comics, froide, fondatrice d’illusions et dresse un mur d’incompréhension qui nous re-projette dans la réalité.
L’ouvrage est riche, très riche, le graphisme simple et limpide et les récits s’entrecroisent, construisant une œuvre imparable, démystifiante, bien plus riche que les traités sur-évalués de Scott Mc Cloud. Dylan Horrocks ne propose pas d’issue, au mieux l’abordage d’une nouvelle terra incognita. Un potentiel...
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