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| Le périple de Jijé, Morris et Franquin à travers les Etats-Unis et le Mexique.
Inquiet de l'avancée du communisme en Europe, Jijé décide de quitter le vieux continent avec sa famille. Franquin et Morris ayant décidé de le suivre, tout ce petit monde débarque à New York en 1948. Ayant acquis une veille Ford Hudson, ils sillonnent les Etats-Unis de la côte est à la côte ouest, dans l'espoir de se faire engager par les studios Disney. Peine perdue, en cette période où Disney licenciait plus qu'il n'embauchait. Voyant son visa touristique expirer, Gillain décida de s'installer quelques mois au Mexique avec sa famille, bientôt rejoint par Franquin et Morris.
Vendu avec un livret-rectificatif
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  rohagus
| J'ai quelques difficultés à figer mon avis sur cette BD. Il a en effet été altéré par la polémique, heureusement légère à mes yeux, la concernant.
C'est un ouvrage que j'avais hâte de lire. Jijé, Morris et Franquin sont des grands maîtres d'une BD franco-belge qui a bercé ma jeunesse et ma culture. L'idée de voir enfin racontée, avec humour et un beau graphisme, leur mythique épopée américaine avait tout pour captiver mon intérêt. Yann ayant pu il y a quelques années discuter aussi bien avec Morris qu'avec Franquin et ayant recueilli nombre de folles anecdotes sur ce voyage, il avait en effet fait le choix d'en extraire une version romancée, axée en bonne partie sur l'humour mais permettant surtout aux lecteurs de se faire une idée de l'incroyable séjour qui avait marqué ces auteurs et le monde de la BD par la suite.
Néanmoins, mon envie était contrebalancée par l'information comme quoi les héritiers d'au moins deux de ces auteurs, Jijé et Franquin, rejetaient cette biographie romancée au point de risquer d'en interdire la publication. Je me demandais ce qui pouvait pousser à cette extrêmité. Finalement, Dupuis a pu publier l'album en y intégrant toutefois d'une part une feuille d'avertissement sur le fait qu'il ne reflétait qu'une fiction et non pas l'exacte réalité, et d'autre part quelques feuillets explicatifs et une interview de Yann et de deux héritiers de Jijé à propos de l'ouvrage et de ce fameux voyage.
Alors. La BD en elle-même m'a vraiment plu.
Le graphisme d'Olivier Schwartz est parfait pour l'opération. Son style, à mi-chemin entre ligne claire et école de Marcinelle, rend hommage à l'époque et fait ressortir la beauté des planches et de l'ambiance. On est projeté dans la fin des années 40 aux côtés de Franquin, Morris et de la famille de Jijé. Ce dessin convient en outre bien à la part d'humour du récit auquel il s'adapte sans aucun mal.
L'histoire, quant à elle, est intéressante, amusante et souvent édifiante. Découvrir ainsi dans l'intimité des auteurs ayant atteint le statut de culte de nos jours est non seulement instructif mais aussi parfois très surprenant. J'ai même été un poil déstabilisé d'y découvrir certaines de leurs réactions, notamment sur le plan sentimental.
Nul doute que si j'avais eu confirmation de la véracité de ce récit et de la justesse des sentiments exprimés par les personnages, j'aurais glorifié cette BD aussi amusante qu'instructive et belle. Mais c'est là que le bât blesse puisque la polémique et l'interview des héritiers indiquent clairement le rejet d'une partie de ce qui y est présenté comme la vérité, plus particulièrement en ce qui concerne les caractères et les probables émotions de ces personnages à l'époque. En gros, ce que disent les héritiers, c'est que ni Jijé, ni Morris ni Franquin ne se comportaient comme Yann les dépeint ici. Ils disent aussi que les choses ne se sont pas passées ainsi mais cela, Yann ne s'en cache pas puisqu'il avoue sans honte avoir romancé les choses et avoir souvent réuni des anecdotes et modifié leur chronologie pour une histoire plus percutante et plus amusante.
C'est donc une fiction, la chose est admise. Mais du coup, faire ressortir dans une telle fiction des sentiments et des réactions aussi particulières concernant ces trois fameux auteurs me met un peu mal à l'aise. Ce que je prenais pour de surprenantes mais néanmoins véridiques informations les concernant se transforme du coup en parti pris un peu provocateur de la part de Yann et cela me dérange quand cela prend une forme proche de la biographie respectueuse. Cela me dérange car cela affecte la mémoire de leurs héritiers ainsi que l'image que les admirateurs de ces auteurs ont pu s'en forger.
Du coup, je n'ai plus su sur quel pied danser vis-à-vis de mon opinion sur cette BD.
J'ai beaucoup apprécié sa lecture mais j'ai été ensuite refroidi d'en voir dénoncées les parties en réelle contradiction avec les souvenirs de ceux qui avaient vécu ces évènements et côtoyé au jour le jour ces auteurs. J'ai eu l'impression d'être un peu trahi puisqu'on me présentait ces personnages comme étant les vrais Franquin, Jijé et Morris alors qu'au final il semble que ce ne soit pas « eux ». Et du fait de ma grande affection pour eux et pour leur oeuvre, élément important pour s'intéresser justement au sujet de cet ouvrage, j'ai du mal à prendre suffisamment de détachement pour y voir un simple récit romancé.
J'en conseille néanmoins sans hésiter la lecture. C'est une belle BD, joliment dessinée, drôle, instructive et souvent captivante. Dommage pourtant que Yann n'ait pas su s'entendre au préalable avec les héritiers de Franquin, Morris et Jijé pour bâtir son récit sans doute avec les mêmes anecdotes mais dans un esprit plus proche des souvenirs concrets qu'ont ces derniers de l'esprit de leurs parents.
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