|
| |
|
|
|
|
  Mael
| Pour se poser sereinement face aux choses, quoi de mieux que l’immensité de l’Océan ? Même s’il se révèle encore plus immense que prévu, après avoir soudain submergé toutes les terres dans un mouvement géologique qui reste mystérieux. Et que tout cela ne rend du coup pas très serein.
Une fois toutes les terres recouvertes, le monde est alors aux « nouveaux maîtres » sortis des abysses, Kraken et cachalots gigantesques. Et les quelques humains survivants surnagent, sur de maigres plateformes, posées dans des espaces microscopiques sur des étendues infinies. Nous repasserons pour les grands espaces. Nous rejoingnons un homme et son fils sur leur radeau aménagé de bric et de broc. L’ensemble est rustique mais fort fonctionnel et plus grand qu’il en a l’air, avec une partie immergée protégeant des tempêtes, et de quoi vivre.
Vivre, justement, c’est ce qu’il reste à faire. Et cela semble difficile dans un monde sans rien à l’horizon. Grand Océan, c’est l’histoire de ce père qui doit élever un fils dans un monde où tout est inconnu, qui lui raconte le monde d’avant, avant la catastrophe première, puis la deuxième, qui le sépara de leur communauté flottante et de sa femme, la mère du petit. Au fil des chapitres, le père révèle sa vie d’avant, tient son fils en haleine, pendant que lui s’imagine des amis poissons à l’obéissance militaire. Le père cherche une terre, l’enfant cherche l’image de sa mère, les deux semblent disparus à jamais. On ressent dans cette trame différents amours du scénariste Fabien Grolleau, qui a montré son goût de l’écologie comme des animaux mystérieux et des cartes fabuleuses dans de précédents titres (le très beau Sur les ailes du monde, Audubon, le déjà maritime Jacques a dit…), ainsi qu’un certain souffle épique qui se dévoile avec modestie.
Grand Océan, c’est aussi la révélation graphique de Thomas Brochard-Castex, dont on connaissait des fanzines sous le nom de Thomas Gochi et qui transmute ici avec son nom. Il semblait a priori surprenant de voir ce dessinateur sur une grande fresque maritime. Et pourtant ! Visiblement inspiré par les gravures anciennes, son travail cisèle les flots et modèle les ombres et les corps dans de superbes constructions. Le jeu qui se crée entre ces dessins complexes, et pourtant toujours sobres, et des personnages aux visages très simples, quasiment réduits aux traits de bonshommes bâtons, mais extrêmement expressifs, emporte la lecture avec une force inédite.
Entre un scénario post-apocalyptique posé sur de grands sujets de l’humanité et un dessin ancré dans un héritage pluriséculaire de représentations graphiques de monstre de la mer, Grand Océan était bien parti pour être grandiloquent et pompier. Il esquive pourtant les poncifs, les survolant de haut, et constitue une véritable surprise, plusieurs fois renouvelée au fil de la lecture. |
|
|
|
|
|
| |
| |