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  glotz
| Milo Manara est extrêmement connu pour ses BDs pornos (Le Déclic etc.). Mais avant de se lancer dans ce créneau lucratif il fut aussi un auteur très prometteur, de par les inovations qu'il introduisait dans ses bandes. Jour de Colère, deuxième volume des Aventures de Giuseppe Bergman est sûrement sa meilleure oeuvre.
Cette histoire, parue dans A Suivre commence d'une manière banale : des hommes se disputent une mallette dont le lecteur ne connaît la contenance. On pense à une banale histoire policière. Et puis le premier chapitre arrive : un homme, l'air d'un producteur véreux est soucieux. Que se passe-t-il ? L'héroïne n'arrive pas. Et quand elle arrive elle annonce qu'elle est overbookée et doit faire autre chose. Alors on prend sa maquilleuse, ça fera l'affaire. Mais au juste que doivent-ils tourner ?
Rien. Car ce producteur, ce scénario, cette actrice sont destinés à cette bande dessinée. Et ces « acteurs », doivent suivre le scénario à la lettre quand bien même il serait contraire à leurs convictions morales, ils peuvent toujours s'enfuir : le scénario l'aura prévu, rien n'est à faire... et pourtant qui est ce mystérieux rasta qui semble échapper aux lois du scénario ? Qui gagnera, la productrice ou les personnages ? Des le chapitre trois toutes ces questions sont résolues, et l'histoire continue sa route, une petite fille (Chloé) apparaît, qui joue avec les codes du dessin, déformant les personnages, puis Manara lui-même intervient. Et que vient faire la vierge de Nuremberg dans cette histoire ?...
L'auteur joue d'une façon merveilleuse avec les codes de son art, surtout en ce qui concerne le graphisme, se lançant dans de véritbales exercices de style : même si son dessin lisse et racoleur habituel couvre la majorité de l'album, Crumb, Reiser, Munch apparaissent parfois au détour d'une case. Le dessinateur affirme son pouvoir souverain sur sa création : que Giuseppe soi attaqué par un lion sanguinaire, alors celui-ci devient inoffensive créature de cartoon le temps que Bergman s'enfuie, que Giuseppe soit bloqué par une rivière, alors la perspective de la case est changée et il apparaît ainsi de l'autre côté etc. etc. Les exemples sont très nombreux de jeux graphiques et de réflexion sur la valeur du récit, réflexion qui si à l'époque était très banale en ce qui concerne la littérature, n'avait pas encore été tentée à ce point dans une bande dessinée (depuis elles se sont multipliées... et la bande dessinée peut être considérée comme appartenant à la littérature...). Quelques techniques pré-oubapiennes (Upside-Down etc.) viennent compléter le tout.
Si le monologue final d'une souris parmi une troupe d'éléphants peut laisser sceptique, Jour de Colère ne peut pas ne pas apparaître comme génial au lecteur. Manara a atteint un sommet... sommet désabusé : puisqu'il n'y a pas d'espoir dans la narration iconographique pourquoi continuer ? D'où l'immense gâchis qui s'ensuivra...
Cet album n'est pas assez connu... et c'est bien dommage. |
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