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| Pour faire face à un chantage concernant la naissance d'un enfant né de l'union inavouable d'un petit-fils de la famille royale et d'une prostituée, la Reine Victoria dépèche son médecin, William Gull, afin de régler ce problème. Celui-ci, tout en suivant les ordres de la Reine, va néanmoins poursuivre ses propres plans. Les meurtres atroces qu’il va commettre à Whitechapel durant l’automne 1888 défrayeront la chronique... Le mystérieux assassin, surnommé Jack l’éventreur, ne sera jamais identifié par la police. Les crimes qu’il commet auront pour Gull/Jack l’éventreur une portée telle qu’ils provoqueront chez lui des visions terrifiantes d’un XXe siècle froid et inhumain... |
  jean loup
| Monumental. C'est sans doute le terme que je choisirais s'il n'en fallait qu'un pour désigner "From Hell". Monumental par sa taille, tout d'abord : plus de 500 planches, complétées par des annexes passionnantes rédigées par Moore himself qui permettent de mesurer l'ampleur de son travail de documentation et qui constituent un fabuleux guide pour comprendre ce qu'est le travail de scénariste. Travail monumental de recherche, donc, peut-être le plus poussé qui ait jamais été accompli pour une BD. Mais surtout et fondamentalement, et je mesure tout à fait les propos qui vont suivre, "From Hell" est un monument de la bande dessinée. Je sais que le trait d'Eddie Cmpbell va en rebuter a priori plus d'un. Très noir, d'apparence brouillonne parfois, son dessin est particulier mais il convient parfaitement au White Chapel de 1788, ce quartier misérable au-delà de l'imagination, crasseux, sordide, où les femmes se prostituent pour se payer un lit miteux duquel elles seront chassées au petit matin. Vous aurez le temps (500 planches !) de vous habituer à son style, de toute façon. Et puis rappelez-vous la première fois où vous avez posé les yeux sur "Maus"... Le scénario d'Alan Moore est d'une qualité absolument exceptionnelle. On le savait très talentueux depuis "Watchmen" ou "V pour vendetta". Avec "From Hell", Moore s'affirme en géant du scénario. Vous serez glacé en découvrant ce qu'il advient d'Annie Crook. Vous serez intrigué par la visite guidée de Londres orchestrée par Gull. Vous serez horrifié en lisant le chapitre qui relate la mort de la dernière victime. Vous refermerez "From Hell" avec la certitude que la BD est un art et que vous venez d'en avoir la preuve irréfutable. Je vous envie de ne pas l'avoir encore lu. J'aimerais prendre votre place et redécouvrir cette oeuvre, bien que je songe déjà avec déléctation au plaisir de la relecture. |
brutos
| Ce pavé ( 576 pages partagées entre prologue, épilogue, 14 chapitres et 66 pages d'annexes ! ) de Moore et Campbell est sans nul doute un chef d'oeuvre. Le thème ( Jack l'éventreur ) et le dessin ( un tracé noir et blanc acerbe ) pourraient faire hésiter mais l'oeuvre mérite bien quelques efforts. Tout d'abord, Moore ne cherche pas à bâtir une énième fiction plus ou moins bonne autour des tristement célèbres meurtres de Whitechapel, pas plus qu'il ne cherche à établir définitivement l'identité du coupable : comme il le dit en exergue, dédiant son travail aux cinq prostituées assassinées, "Vous et votre mort : de ces choses seules nous sommes certains". Ce ne sont donc pas tant les faits qui sont primordiaux mais leurs répercussions à travers la société. Quant au dessin, il sert merveilleusement bien la volonté ethnographique du scénariste. Par sa sobriété et sa description sans fard de l'époque ( notamment l'insalubrité et le manque d'hygiène des quartiers pauvres ), il fait revivre de manière presque palpable ce Londres victorien.
Nous sommes donc en 1888 et des prostituées essaient d'obtenir de l'argent en menacant de dévoiler l'existence d'un bâtard royal. La reine Victoria charge alors son médecin, Sir William Gull, de faire taire les témoins gênants... Mais celui-ci, passablement dérangé, tout en aidant la Couronne va en profiter pour donner une résonance mythique à ses actes : son but est en fait de renforcer la domination masculine par des rituels de sang, faisant de ses meurtres un acte de "magie sociale". Parallèlement aux effets sociaux réels des meurtres ( psychose, battage médiatique, pressions diverses et ratés de l'enquête ), on va aussi voir les effets ( réels ou fantasmés par le cerveau malade de Gull ) sur la structure temporelle à travers un panorama de visions de diverses époques, et particulièrement un vingtième siècle froid et déshumanisé qui terrorisera Gull...
Enfin, la lecture des annexes est indissociable de la BD, car elles nous permettent de faire la part entre les faits réels et les faits inventés, et elles renforcent savoureusement la cohérence de l'ensemble.
Bref, à part une petite réserve sur l'image un peu noire qui est donnée de la franc-maçonnerie, je recommande chaudement cette BD. |
CoeurDePat
| Ahlala. "From Hell" c'est un énorme pavé de 576 pages, lourd comme tout et vraiment pas engageant. Lorsqu'on le feuillette comme ça, le dessin apparaît vraiment repoussant, tout à l'encre de chine qu'il est (que du noir et blanc, même pas de gris, tsss !), tout hachuré, et certainement pas "beau" au sens classique du terme. En plus ça commence par un gros plan sur une mouette crevée, ça ne donne pas forcément envie d'aller plus loin. :(
Et pourtant...
Et pourtant quand on commence à le lire, au bout de la première page on est intrigué. Par le dialogue, un peu étrange et décalé; par la mise en scène, qui malgré le dessin semble très bien faite...
Et puis au bout de l'introduction (8 pages), sans s'en rendre compte on a été absorbé dans cet univers. Comme ça, sans même s'en être aperçu.
Les trois premiers chapitres m'ont posé problème... j'ai en effet bêtement loupé les indications de dates dans la première case, et c'est seulement en cours de route que j'ai réalisé que les scènes ne se suivaient pas chronologiquement.
On ne comprend pas trop le lien des deux premiers chapitres avec l'affaire de Jack l'éventreur, mais le lien se fera plus tard... En attendant on est intrigué, complètement attentif et... littéralement immergé dans l'histoire.
Le chapitre quatre en particulier m'a paru absolument renversant. Invraisemblable qu'un auteur ait osé faire ça ! Quarante pages d'un quasi monologue sur l'architecture et l'origine et le mystère des Francs-Maçons ! Des considérations complètement ésotériques et absconses, de quoi faire décrocher n'importe qui en deux pages ! Et pourtant... pourtant on reste scotché là, devant ce récit témoignant d'un esprit complètement étranger, tordu, aux limites même de la folie. Qu'Alan Moore ait pu faire cela m'inspire un respect presque sans bornes.
Bon, sinon il faut bien reconnaître que le travail qu'il y a derrière "From Hell" est impressionnant. On peut en avoir un aperçu à la fin du livre, dans l'appendice II, qui raconte en image l'histoire des différents travaux existant sur le sujet, où Moore analyse les querelles. C'est réellement intéressant, et de plus mis en images de façon véritablement intelligente.
L'appendice I quant à lui, est composé de 42 pages d'explications sur les différentes pages/scènes/cases du livre... Là, j'avoue avoir juste survolé, mais là aussi c'est réellement intéressant. Moore explique ce qui est "vrai", ce qu'il a inventé, adapté ou arrangé. Vraiment bien. Si "From Hell" était un dvd, je dirais que ce bonus est d'une qualité rarement atteinte.
L'album raconte une histoire, une version possible. Moore conclut dans l'appendice II que le mystère est si embrouillé qu'il n'y a probablement pas de vérité, mais un ensemble d'hypothèses qui forment un matériau dont on ne pourra plus tirer grand chose... à part d'autres matériaux, d'autres versions. Il propose donc ici la sienne, et l'ensemble est tout simplement grandiose. L'histoire a des relents de folie, mais une fois si bien développée, si bien mise en scène, si bien montrée et enfin si bien expliquée, qu'on en vient (presque) à la comprendre.
Par ailleurs rien n'est épargné au lecteur. Les scènes d'assassinats, parfois très gores, horribles, sont montrées. La folie, l'aspect glauque et cynique de l'ensemble, des scènes de cul assez crues, rien de cela n'est voilé.
Et le dessin, a priori peu attirant, basé sur un gaufrier de 3x3 cases, est étonnament expressif et particulèrement adapté à cette oeuvre sombre.
Un chef d'oeuvre, tout simplement. Un véritable monument. Et c'est peu de le dire.
Seuls points noirs : l'album est peu maniable, et comme les dessins et les textes sont très petits, on est obligé de lire de près, ce qui est parfois problématique. Et je n'ai pas encore compris ce que venait faire là John Merrick (Elephant Man). |
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