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| New York 1930. Le gang du dossier Max Adamov règne sur East Side. Son quartier général : "le Mendel's" dans Sheriff Street. Un soir, la belle Ida Chance pousse la porte du bar au bras du frère jumeau de Max. Cette beauté angélique va déchaîner les passions. Max relance la guerre des gangs. Les coups et les corps vont pleuvoir ... |
  Mr_Switch
| Je considère souvent, par défaut, le flot des différents livres, en particulier des différentes BD, comme étant d’intérêt moyen. Ce n’est pas péjoratif de ma part. La plupart des albums sont « normaux », c'est-à-dire distrayant mais sans dépasser les limites du banal. J’emploie ce dernier mot sans péjoration, mais avec une optique de neutralité.
J’ai la vision d’un accord de base qui fluctuerait entre le dissonant et le mélodieux. L’accord est généralement joué classiquement. Parfois, un virtuose sort un son qui surpasse tout. Mais le couac est un risque permanent. Il y a des albums excellents par nature et d’autres qui sont de véritables navets. Le dessus et le creux de la vague, si on reprend l’image du flot.
Certains artistes joueront les notes de manière originale. L’originalité peut être un pur bonheur. L’album sortira du (f)lot.
Néanmoins, l’originalité peut friser la dissonance ou encore y plonger littéralement. Cette fois, l’album passe de l’état de chef-d’œuvre a celui de navet sans passer par la case du banal.
Il existe bien sûr différentes variables qui complexifient la chose. Parmi celles-ci, je remarquerai ce que je pourrais appeler l’extrême banalité. C’est une histoire qui n’est pas mauvaise en elle-même, elle peut avoir des notes d’originalité, mais elle ne décolle pas de la banalité. Et à force être « banal », le sens de fade neutralité que je revendiquais prend un goût amer.
Je range « Les Frères Adamov » dans cette catégorie.
A Sheriff Street, dans les années 30, la guerre des gangs a été mise de côté. Max Adamov règne en parrain (en empereur) sur le quartier à partir du Café Mendel. Il rackette les commerçants comme tout parrain qui se respecte. Il est bossu et fait des crises de sueurs jusqu'à l’évanouissement quand il est contrarié. Il partage son empire avec l’élégant Morris, son frère. Celui-ci se fiance avec Ida Chance, ouvreuse de cinéma, belle blonde platine, aussi froide que ce métal. C’est une beauté glacée comme les actrices d’alors. Max tombe amoureux d’Ida. Il fait tout pour l’oublier mais rien ne fait. La vue de la femme le trouble jusqu’au malaise, il voudrait mourir pour ne plus la voir. Pour se passer les nerfs, et sans doute pour impressionner la belle, il relance sa guerre avec le gang du quai River Rat, dirigé par Leo Whale. Ida reste de marbre devant Max, fidèle à son Morris. Les coups opposent ainsi les gens des Adamov, avec leurs chapeaux melon, avec les gens de Whale, avec leurs canotiers.
Notez la note d’humour dans cette froide histoire, Whale comme Baleine, pour une équipe de marins qui portent les canotiers de rigueur. Ca pourrait pu être drôle mais pourtant le gag tombe à plat.
Morris meurt d’un coup revanchard de Leo. Ida est comme veuve. Max, il est pas content, hein ! Alors il envoie une expédition punitive. Quennie, le bras droit de Max, meurt et enfin Leo meurt. Finalement Ida accepte de se marier avec Max, pour avoir sa protection. Bref, Max a tout perdu pour avoir Ida. Et il reste, encore, le fantôme de Morris entre eux…
L’album se finit sur cette moralité sur la vanité, sur le comportement vain de Max.
Mais le lecteur est très frustré. Les auteurs abusent de la voix off. On est pris par la main du début a la fin. J’ai rien contre les bulles explicatives ordinairement, mais ici on les subit au sens premier du terme. Surtout qu’il y a parfois redondance entre texte et image. La redondance se sent également pour la conclusion. A environ 6 planches de la fin, on comprend clairement l’ambition moraliste des auteurs. Pourtant le narrateur croit bon de tout bien annoncer, donnant l’impression de prendre le lecteur pour un idiot. Et l’album semble construit pour pouvoir balancer la morale finale qui, trop appuyée, devient banale. Tout est trop bien explicité par le narrateur en voix off, et ainsi tout prémice de suspens, d’interrogation est tué dans l’œuf. Ce qui aurait pu gagner en originalité est maintenu a l'état de banalité. A force, le lecteur devient passif et se désintéresse de tout, reste totalement extérieur.
Personnellement, je connaissais Loustal pour ses carnets de voyage où son trait particulier peut faire des miracles. Dans cette histoire noire, il réussit bien à transcrire le côté angoissé de Max, le côté froid d’Ida. Revers de la médaille, cela ne fait qu’empirer le défaut de la narration. Les paysages figés de Loustal donne certes la froideur de l’ambiance. Mais, malheureusement, les scènes de combat sont aussi figées, ce qui ne relance pas l'intérêt du lecteur.
On a l’impression d’occasions manquées dans le récit de Charyn. Une histoire noire de parrain, avec 2 frères qui se respectent, un récit sur les ressentiments, sur les névroses d’un parrain difforme, le scénariste avait trouvé une bonne base d’histoire. Ida parait au début comme le parangon d’une femme des années folles, froide, peut être manipulatrice, en tout cas maîtresse de son destin, de ses opinions. Elle dénigre Max. Et finalement, elle accepte Max sans compromis apparents, résignée à son sort. On peut regretter ce changement. Mais c’est surtout que le changement se fait d’une planche à une autre. C’est brutal mais c’est traité comme un événement normal quasi-évident, loin d'être un rebondissement.
Bref, on passe plus de temps à se demander ce qui ne va pas dans cet album qu’à le lire.
Dernier point, l’album n’était pas en français à l’origine. Il est traduit. La tournure de certaines phrases peut faire douter sur la qualité de traduction… |
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