|
| |
|
|
|
|
  rohagus
| Un ennemi du peuple est une pièce du dramaturge norvégien Henrik Ibsen datant de 1882 mais son discours est fortement d'actualité. Telle qu'elle a été adaptée ici par Javi Rey et remise au goût du jour avec quelques légères modifications, elle m'a beaucoup fait penser au film Don't look up et à la négation par le peuple d'une vérité scientifique qu'on lui présente pourtant dans le but de le protéger. En même temps, Un ennemi du peuple va au-delà de cette thématique et affiche un message davantage politique ainsi qu'une surprenante critique de la démocratie elle-même en tant que système.
C'est l'histoire d'une île d'allure nordique qui a su exploiter ses sources thermales pour en faire une attraction touristique qui attire les étrangers et promet un bel essor économique à ses habitants. Tout tourne pour le mieux… sauf pour le médecin de la ville, qui officie dans la station thermale, et qui voit tout cela d'un très mauvais œil… et s'inquiète surtout d'un véritable problème sanitaire lié à ces fameuses installations « de santé ». Quand il essaiera d'alerter la population, il va se retrouver confronté à la défiance des autorités, en la personne de son propre frère, maire de la ville. Il fera alors face à la cupidité, aux abus de pouvoirs, à la corruption et aux trahisons, jusqu'à être finalement trahi par ceux à qui il s'attendait le moins.
J'ai beaucoup aimé cette BD. D'abord grâce à la clarté de son graphisme. Javi Rey a un trait très lisible, simple d'aspect a priori mais souvent beau et très agréablement rehaussé par des couleurs fortes et originales, hormis peut-être pour les scènes de jour en extérieur qui sont plus basiques. Ensuite grâce à la fluidité de sa mise en scène, aérée et bien rythmée. Si l'on n'est pas au courant, on ne se doute aucunement que ce récit date initialement d'il y a plus d'un siècle ; les dialogues coulent tellement bien et il semble tellement d'actualité qu'il aurait pu être écrit il y a quelques semaines à peine. Cela tient sans aucun doute au travail d'adaptation et de mise à jour réalisé par Javi Rey. Le personnage principal n'est pas des plus charismatiques et sa colère vers la fin est un peu frustrante alors qu'il avait probablement les moyens de trouver les bons arguments pour convaincre son auditoire, mais il dit beaucoup de choses intéressantes par ailleurs. Et enfin, même si la critique de la corruption et des esprits influençables est assez classique et sans grande surprise, la critique de la démocratie elle-même qui en découle ensuite est nettement plus étonnante et pourtant très juste. On en atteint presque le malaise en se demandant quelle échappatoire politique il peut rester pour l'humanité. L'auteur y apporte sa propre solution qui convaincra ou non mais qui tombe plutôt juste, une fois de plus.
C'est donc une belle et intelligente BD qui amènera le lecteur à se poser lui-même quelques bonnes questions sur la démocratie et la société humaine. |
|
|
|
|
|
| |
| |