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| En 44 pages d’un noir et blanc implacable et saisissant, L.L. de Mars nous relate la plus terrible des Histoires, la plus juste aussi ; celle qui vit l’émergence du pouvoir qui nous submerge aujourd’hui. Pour ce faire, Docilités entrecroise les récits en une exigeante et subtile conjonction : une histoire de la famille Waltz, dont les générations se succèdent aux fourneaux Mesilor en autant de rituels meurtriers ; une histoire des images, par lesquelles nous aurions pu nous croire payés de profondeur dans les fresques du Palazzo Pubblico de Sienne, mais dont le vrai sacre triomphe au XXIe siècle à Disneyland ; une histoire des consciences, qui s’ouvre sur un choix tutélaire désastreux dont nous ne finissons pas de subir les conséquences ; une histoire des corps, enfin, représentés, analysés, dressés et saignés. Au cœur d’un désarroi si profond que même nos morts en sont la proie, réside néanmoins une parcelle d’espoir : que chacun reprenne sur le champ possession de sa vie. Mais cela nous est-il, aujourd’hui, encore possible ? Docilités nous invite à une réflexion d’envergure et à une réaction décisive, en en pointant la très urgente et vitale nécessité.
Réédité en 2017 par la Cinquième Couche |
  Docteur C
| Docilités est une fiction. Dès les premières pages, la forme des planches, dans la figuration d'une feuille de papier pliée en quatre, dont chaque coin est déplié successivement, le manifeste.
Une fiction certes, mais aussi la fiction de nos fictions, et l'activité d'un sujet qui s'interroge avec une grande acuité sur ce Dieu que nous avons choisi. Ce Dieu, il a plusieurs formes, mais il peut très bien s'analyser à travers les profilés de Mickey Mouse produits dans les fourneaux Mesilor.
Autour et dans la figure creuse de Mickey se croisent les histoires : histoires fabriquées et histoires vécues, histoires des générations et des pères, histoires de leurs asservissements successifs.
Histoires des images, aussi, surtout, avec ce terrible constat : plutôt que la dissemblance et la figuration du mystère, nous avons choisi l'assèchement utilitariste de l'image à la communication.
Plutôt que de parler, nous bégayons les malheurs de nos pères et les discours de leurs maîtres. Plutôt que d'inventer le sens de nos existences, nous figurons et adorons notre idéal profilé Mesilor. Plutôt que d'user de notre faculté de jugement, nous l'abdiquons à un Dieu qui se refusera toujours à clairement distinguer le bien du mal, retrait qui sert parfaitement ses seuls intérêts : maintenir le travail contraint et le système capitaliste.
Docilités croise plastiquement toutes ces histoires d'abandons, d'asservissements mortifères, d'idolâtrie creuse, dans une série de constats terribles, inquiétants, incisifs. Mais Docilités est avant tout un formidable lieu d'invention du mystère de la vie. Qu'une telle bande dessinée puisse être inventée est déjà un acte de libération. |
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