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| Le récit s'ouvre à l'aube de la Commune de Paris, alors que monte la rumeur de la révolte et de l'espoir du peuple. Le cadavre d'une femme, serrant dans sa main un oeil de verre portant le numéro 13, est découvert dans la Seine. Les polices secrètes mènent l'enquête tout en se livrant une guerre sans merci. Dans cette atmosphère survoltée et confuse, les protagonistes vont au-devant de leurs destins respectifs : Grondin a fait 20 ans de bagne et cherche celui dont il croit avoir endossé le crime. Théophile Mirecourt, le photographe, officie sur les barricades pour Le Cri du Peuple, le journal de Jules Vallès. Il se lie d'amitié avec le Capitaine Tarpagnan, qui lui-même risquera sa vie en tombant amoureux de "CafConc", une belle aperçue le temps d'un mouvement de foule... |
  sylvain Ricard
| La guerre de 1870 s’est achevé par l’abdication du gouvernement Français et la restitution de l’Alsace-Lorraine aux Prussiens. A Paris, en mars 1871, le peuple gronde ; la pauvreté, la faim et l’orgueil blessé des parisiens attisent la fronde contre le gouvernement d’Adolphe Thiers et ses représentants : la police et l’armée. De ce terreau vont naître les racines d’idéaux noirs et rouges, aussi contradictoires que révolutionnaires : communistes et libertaires créent un élan populaire face aux Versaillais, et plus généralement aux élites, aux castes protégées qui hiver comme été, Prussiens ou pas, conservent les bureaux doublés de cuir qui les séparent de la racaille et les empêchent de comprendre que l’insurrection est en marche, qui aboutira à l’établissement de la « Commune de Paris ». Pour bien comprendre le décalage des classes et l’enchaînement dramatique qui va suivre, la simple lecture du premier dialogue du livre suffit ; un officier vient auprès du commissaire Mespluchet réquisitionner le renfort de la police afin de déplacer des canons entreposés sur la « butte rouge »…
Le commissaire : « Les militaires ont bien tort d’aller tisonner les quartiers rouges ! Comment se présente la situation ? »
L’officier : « Le plus difficile est de trouver des attelages pour descendre les canons dans les rues en pente »
Le commissaire : « Les militaires ont bien tort de vouloir prendre ces canons ! Vous vous en mordrez les doigts ! »
L’officier : « J’obéis aux ordres »
Le commissaire : « La troupe n’a plus le moral. A Belleville, les effectifs logés chez l’habitant tournent révolutionnaires ! Ils garibaldisent ! »
L’officier : « Ils ont tort »
Le commissaire : « Ils ont faim ! Lieutenant, tout cela va finir dans le sang !»
L’officier : « J’obéis aux ordres »
…Plus tard, le commissaire en apparté : « La république de Monsieur Thiers a un gros cul, elle ne passera pas entre les barricades ! »
Quiconque connaît les bandes dessinées de Jacques TARDI ne peut que s’étonner qu’il aborde seulement maintenant le thème historique de la « commune »… ou peut-être cette période était-elle tellement importante qu’il attendait qu’on lui propose un chef d’œuvre à adapter. Chose faite cette année avec la superbe fresque de Jean Vautrin « Le cri du peuple » (Grasset 1999). Tout y est réuni pour stimuler l’inspiration du dessinateur : le Paris populaire de la fin du 19° siècle, les « villages » populaires de la capitale, la langue verte des montmartrois, l’anarchisme au travers d’un de ses mythes les plus célèbres, la guerre enfin, civile et d’autant plus abominable. Vengeances personnelles, larcins opportunistes, vertige de l’émancipation, grotesque des meneurs provisoires et poseurs, destins brisés par les foules et les mots d’ordres… La passion sanguine et sanglante qui anime les personnages rend leurs histoires encore plus pathétiques au regard de celle qui se joue, avec un grand « H ». Tardi livre une bande au graphisme ardent et dur, encore plus épanoui, si cela est possible, que ces précédents ouvrages, laissant davantage de place à des scènes muettes, arrêts sur image figeant en pleine page les instants d’une révolution si pleine, si fascinante et pourtant si éphémère : ce 1er tome se déroule sur une seule journée, celle du 17 Mars 1871.
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