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| Chroniques d’Iblard est un manga unique à plus d’un titre. Tout d’abord, il s’agit de la seule bande dessinée de Naoshita Inoue. En effet, ce dernier est avant tout connu pour ses peintures situées dans l’univers d’Iblard, un monde fantasmagorique, à la fois magique et technologique. Ainsi, il a pu exposer à plusieurs reprises ses œuvres à Tôkyô, Fukuoka, Paris et New York mais aussi éditer de nombreux recueils. De plus, en 1995, il a participé à la mise en place de l’univers graphique féérique d’un long métrage d’animation des studios Ghibli sur un scénario de Hayao Miyazaki. Enfin, il enseigne les Beaux Arts et le dessin depuis de nombreuses années.
Ce parcours atypique se ressent à la fois graphiquement et narrativement. Le dessin des Chroniques d’Iblard, recueil de douze histoires parues entre 1982 et 1995 dans différents magazines et entrecoupées de suppléments, ne ressemble en rien à l’idée qu’on se fait du manga. En effet, on est beaucoup plus proche du graphisme des auteurs européens du milieu des années 1970 qu’on pouvait voir dans des magazines comme Métal Hurlant, c'est-à-dire de Mœbius, Druillet, Bilal, Caza, etc. L’absence de trame renforce cette impression. La narration est de la même veine, à la fois condensée par l’utilisation de nombreuses ellipses et éclatée dans la page par l’adjonction sobre de petites cases faisant progresser le récit.
Enfin, l’auteur réussit à mettre en place un univers unique situé dans un futur éloigné. Iblard ainsi que les personnages qui y vivent sont d’un réalisme qui ne nuit pas, bien au contraire, à la dimension poétique de l’œuvre. C’est ainsi qu’on est charmé page après page par les petites aventures de la famille Nona, de Niña, de Kyara, de Maykinso et de Scopello ainsi que tous les autres individus, humains, dragons, suitériens et autres créatures improbables. Les réactions, même les plus étranges, sont parfaitement plausibles et empreintes de délicatesse. C’est ainsi qu’une certaine féérie parcourt les pages du manga même si la cruauté de certains individus n’est pas occultée, créant ainsi une atmosphère merveilleuse.
Malheureusement, la version française réalisée par les éditions Milan ne semble pas être à la hauteur de l'ouvrage original. Si la traduction et l’impression s’avèrent être parfaitement réussies, on ne peut pas en dire autant de l’adaptation graphique. Certes, la tâche n’était pas aisée tant le dessin de l’auteur ne paraît pas se prêter facilement à l’exercice mais des choix de polices de caractères particulièrement illisibles gâchent les premières histoires, le temps de s’habituer à leur forme pour le moins tarabiscotée. C’était bien la peine de ne plus faire appel aux tâcherons de GB One qui nous avaient massacré Jacaranda il y a de nombreux mois si c’était pour nous proposer un tel résultat.
Cependant, ne fuyez donc pas les Chroniques d’Iblard après avoir simplement feuilleté le livre, vous passeriez à côté d’un titre qui n’est pas loin de mériter le qualificatif de chef-d’œuvre du manga alternatif. Certes, il faut être sensible à sa poésie mais si on réussit à rentrer dans l’univers souvent onirique de l’auteur, on passe un excellent moment et on tourne la dernière page avec regret, tant on est enchanté par cette lecture et qu’on en redemande. Malheureusement, il s’agit d’une œuvre unique, ce qui en fait quelque chose de précieux. |
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