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| Fruit de la collaboration entre Pierre Oscar Lévy et Frederik Peeters, Château de sable se présente comme un huis clos à ciel ouvert, une fable sociale mordante et dérangeante. Sur une plage, le destin de 13 personnages va se retrouver bouleversé par un événement inconcevable, un basculement de la réalité qui va plonger cette petite troupe dans un abîme de questionnements. Face à cet événement fantastique (que l’on gardera volontairement mystérieux ici), les protagonistes de Château de sable vont d’abord traverser une phase bien humaine de dénégation tendue et conflictuelle, puis viendra la période de l’acceptation, quand les masques seront tombés et qu’il faudra bien composer avec la nouvelle donne, car le temps est compté… Face à un destin qui s’échappe inexorablement comme une poignée de sable entre les doigts, chacun réagira à sa manière, mais comment et que faire quand un coucher de soleil peut être synonyme de fin ? |
  rohagus
| Le lieu : une crique fermée, un petit havre de paix pour touristes amateurs de plage et de tranquillité.
Les personnages : de simples vacanciers, un vagabond, des adultes, des enfants et des personnes âgées.
Sur cette base, Pierre Oscar Lévy va imaginer un scénario fantastique aux influences multiples. Les amateurs de série télé reconnaîtront une trame digne d'un épisode de la Quatrième Dimension ou d'Au-delà du Réel. Les érudits feront le lien avec un film tel que L'Ange exterminateur de Buñuel.
Comme dans ce dernier, les protagonistes vont en effet découvrir qu'ils sont piégés sur cette plage, qu'une force invisible et mystérieuse les empêchent catégoriquement d'en sortir. Pire encore, ils vont réaliser que quelque chose de purement effroyable, si l'on y pense, leur arrive à tous.
Ce sont leurs réactions à cet événement qui seront au coeur du récit. Nous nous trouverons effectivement face à la succession mise en image des étapes du deuil : choc, colère, dépression, résignation puis, si elle se révèle possible, acceptation. Les auteurs parviennent à transmettre de belle manière les émotions des personnages aux lecteurs, les impliquant émotionnellement depuis le malaise initial d'une situation étrange jusqu'à la cruauté de sa conclusion. Il en ressort une lecture accrocheuse qui colle à la peau et aux sentiments longtemps après avoir été achevée.
L'ambition philosophique de l'ensemble est évidente puisque l'intrigue amène à réfléchir au temps qui passe, à la vie dont il faut savoir profiter mais aussi à l'insignifiance des hommes vis-à-vis de la nature dans son ensemble. Ce n'est certes pas un sujet parfaitement original, notamment dans le domaine de la science-fiction et du fantastique, mais il est ici joliment amené et transmis au lecteur.
Le graphisme de Frederik Peeters convient en outre particulièrement à ce récit. Il excelle en effet dans la représentation des corps et dans leur transformation.
Je ne peux cependant pas ignorer certains passages qui ont entravé mon plaisir de lecture.
Une part de l'intrigue touchera fortement les parents de jeunes enfants qui souffriront avec ceux du récit de ce qui arrive à leur progéniture. Pourtant, j'ai trouvé un peu étrange le comportement de ces enfants dont l'esprit semble avoir bizarrement grandi aussi vite que leur corps. Connaissant ma propre fille de 8 ans, pourtant assez dégourdie, je n'imagine vraiment pas des jeunes de 5 et 6 ans réagir et parler comme ils le font ici, même si leurs corps et les hormones le leur permettent a priori. J'ai trouvé ce passage un peu incohérent avec la... logique des lieux.
Dans le même ordre d'idées, j'ai trouvé un petit côté artificiel à la galerie de personnages mis en scène. Il y a l'étranger vagabond qui est là pour apporter la sagesse de sa culture et montrer qu'il faut être tolérant. Il y a le vieux facho pour montrer le racisme et le côté borné de certains. Il y a les deux couples, l'un marié, l'autre plus jeune, pour que certains lecteurs s'identifient aux uns ou aux autres. Et il y a aussi le vieil auteur de SF qui permet une mise en abyme du récit...
Pour finir, je me creuse encore la tête sur les deux passages où des éléments extérieurs interviennent : le possible observateur à jumelles et ce passage marquant sur le fils de l'hôtelier. Pourquoi ? Quel lien avec le reste de l'intrigue ? Y a-t-il ou non incohérence temporelle dans le fait que ce garçon n'ait pas changé alors que les lignes téléphoniques, elles, oui ? Faut-il un voir une référence à une information extérieure à l'ouvrage, liée notamment au passé du scénariste ? Faut-il la voir comme une simple fausse piste ?
Ces interrogations ont parasité l'émotion que je pouvais ressentir pour le reste du récit. A moins d'en découvrir à l'avenir l'explication ou une interprétation convaincante, j'ai l'impression qu'elles sont de trop et inutiles vis-à-vis de la fable fantastique et philosophique que forme le reste du récit.
Pour le reste, c'est une réussite, notamment sur le plan des émotions transmises. La fin m'a pris aux tripes et l'impact de l'ensemble réussit à surmonter les quelques défauts que j'ai pu ressentir en cours de lecture.
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