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| Étrange destinée que celle de ce bouquin : à peine remarqué à sa sortie, vite expédié en bouquinerie, desservi sans aucun doute par son dessin peu engageant, un poil laborieux, il est devenu pourtant un des ouvrages de référence pour tous les dessinateurs l'ayant eu entre les mains ; Carpets' Baazar est peu chatoyant, et ses auteurs ajoutent à leur désintérêt pour la virtuosité du dessin une complexité narrative et un scénario contenu, dense, toutes qualités le condamnant à l'invisibilité pour le public de 1983.
Mais ce que ces auteurs savent très bien, c'est qu'un dessin - celui de l'architecte François Mutterer - entièrement mis au service d'un scénario ciselé - celui de l'ethnologue Martine Van - est la garantie d'écarter tout parasite décoratif au profit de l'enrichissement maximum de la lecture ; car Carpets' Baazar est une mine de raffinement, une grammaire pour la bande dessinée à venir, une suite ininterrompue d'inventions narratives : agencement des cases en véritables phrases — dans lesquelles les dessins jouent les sujets, verbes, compléments —, utilisation inédite de visions subjectives (pari très difficile dans le monde des images fixes), dispositifs temporels ingénieux, syncopes des cases prises dans la danse et l'ivresse, récits croisés, quête de l'objet du récit devenant quête du trajet du dessin, etc. On n'en finirait pas d'énumérer les apports de ce chef-d'oeuvre à la bande dessinée et, en attendant qu'un éditeur s'en rende compte et le réédite, il vous reste les bibliothèques pour vous plonger dans les mailles savantes et les motifs orientaux de cet étrange tapis narratif.
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