| Tout au long du siècle dernier, le vingtième, l’une des traditions estivales consistait à s’adresser des mots écrits à la main sur des petits bouts de carton. La carte postale jouait franc jeu, s’exposant à la vue de tous. Elle ne cultivait pas le secret. Elle faisait étalage de son bonheur, s’amusant à susciter la jalousie.
Au verso, on pouvait profiter d’une vue en couleurs : le casino de Royan, la promenade des anglais ou un coucher de soleil sur Pornichet. D’autres fois, c’était un âne ou une vache ou un verrat avec un soutien-gorge… La légende disait «vachement bonnes vacances ! », « Bonne ânée ! » ou « Ben mon cochon ! ». On savait rire.
Généralement, pour les rédiger, on profitait d’une journée de pluie, d’un matin sans soleil. Quand enfin, on avait réussi à s’en débarrasser dans une boite jaune des PTT, on était quitte, de la corvée des cartes postales, jusqu’à l’année prochaine. Comme dans les romances, l’optimisme était de mise sur les cartes postales : le ciel toujours bleu, la mer toujours belle, les vacances toujours bonnes (quoique trop courtes). On ignorait les insolations, les méduses, les moustiques, les attentes dans les aéroports, les routes surchargées, le retard des trains, les locations décevantes, les grains de sable dans les chaussures et les fourmis dans la salade… Sur les cartes postales, simplement, la vie se rêvait idéale.
C’est vrai après tout, qu’est-ce qu’on s’en fout ? Une carte postale, c’est juste un peu de rêve qui passe… |