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  L M
| De MS Bastian, Baluba est le seul recueil des bandes dessinées qui ait été traduit en français ; ici une trentaine de pages (paru en 1995, et épuisé, mais on peut rêver…).
Il s’agit d’une succession d’histoires courtes dont certaines sont des adaptations (parfois en une page !) de Zweig, Kafka ou Bukowski ; graphiquement saturées, en agitation perpétuelle, ces « histoires » prennent place dans un cadre urbain très oppressant, peuplé de personnages angoissés, « border-line », rendus paranoïaques, dont les mondes intérieurs ne cessent de déborder sur la perception de l’espace – c’est en tout cas une traduction possible de cet univers, l’effet qu’il peut produire.
Le texte concis, toujours très posé, intelligent, « bien écrit », est parfois en étrange décalage avec les images d’une nervosité très extrême ; toutefois leur symbiose dans certaines histoires s’avère remarquable et produit un effet assez inattendu – ainsi une Métamorphose de Kafka qu’on redécouvre totalement (en une page !), et la dernière histoire du recueil qui démontre à elle seule toute la réussite de l’entreprise : il ne reste plus grand-chose dans le texte de la nouvelle de Bukowski « Ce qu’ils veulent » - un inventaire des écrivains morts de façon violente, et la rapacité de leurs lecteurs à s’intéresser à leur mort avant leur travail : jamais vu en bande dessinée la traduction d’une rancœur qui éclate si puissamment au grand jour.
Les histoires de Bastian se lisent probablement de la même manière qu’elles se créent : concentrées, ramassées, triturées – Bastian disait travailler en revenant incessamment sur ses images, photocopiant, retravaillant, ajoutant, superposant, toutes impressions fortement présentes à la lecture. Il faut y revenir, lire des bribes, tout reprendre, ne plus regarder que les dessins, regarder chaque micro détail l’œil collé à la feuille, détails dont la force grouillante est toujours renouvelée ; il y a toujours un micro personnage terrorisé, un petit mickey en train de perdre pied ; chacun reflète le même état que ce que donne à voir l’ensemble du travail.
Par ailleurs, ses images, si elles peuvent d’abord laisser songeur, s'imposent généralement à la longue comme des évidences obsédantes : difficile de les oublier, difficile de ne pas en avoir les visions lorsqu’on entend évoquer autour de soi les mots « paranoïa » ou même simplement « urbanité », « vie collective »…
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