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Mael
   | En 2007, à Moscou, une exposition réunit des dizaines d’œuvres d'art interdites l'année précédente. Le nom de l'exposition ? « L’Art interdit 2006 ». Son but ? Mettre les visiteurs face à la réalité d'une censure culturelle, pourtant niées par les autorités poutiniennes. Rapidement « Le Concile du peuple », une association orthodoxe ultra-conservatrice composée de fanatiques et de vieux nostalgiques tsaristes, porte plainte pour incitation à la haine religieuse en dénonçant plusieurs tableaux. Que ceux-ci aient été présentés derrière des rideaux noirs avec un avertissement préalable et que les plaignants n'aient manifestement jamais mis les pieds dans l'expo ne change rien : Youri Sakharov, directeur du musée, et Andreï Erofeïev, commissaire d’exposition, risquent cinq ans de prison.
Viktoria Lomasko, dessinatrice russe dont on avait déjà pu lire plusieurs intéressants reportages dans DMPP, est allée assister aux nombreuses – et longues – audiences, à l'iniquité frappante. Après des jours et des jours à voir défiler des faux témoins récitant des fiches qu'ils comprennent mal (ils y expliquent avoir entendu parler de l'expo sur Internet, alors que manifestement la plupart d'entre eux ignorent ce que c'est), la défense se voit limiter à très peu d'intervenants, car la juge trouve que le temps manque... Il reste que les artistes et les militants culturels obtiennent malgré tout une tribune pour parler Art, Culture et Censure, et ce face à des médias très nombreux. Des discours qui font mouche jusqu'à parfois semer le doute chez les pauvres bigotes influençables (heureusement, leur chef est là pour les remettre dans le droit chemin).
Ce livre n'est pas une bande dessinée, plutôt un reportage richement illustré. Mais quand la mode du « reportage dessiné » envahit tout jusqu'à l'overdose avec des témoignages exempts de point de vue sous prétexte d'objectivité, L'Art Interdit donne un véritable point de vue. Rien d'étonnant quand on sait que l'artiste travaille main dans la main avec le journaliste Anton Nikolaïev, renouant avec la tradition de Joe Sacco qui, au-delà du témoignage, cherche avant tout à fournir une analyse. Ainsi, à côté des scènes captées qui illustrent à merveille le propos, les plaidoyers sont mis en perspective et de riches notes complètent chaque chapitre permettant, pour reprendre le superbe mot de Catherine Cusset, de « Faire art d'un procès sur l'Art ».
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