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| Réédité en 2000 à l'Association |
  Nirvanael
| "L'An 01"...
Je suis bien content que l'Association ait décidé de rééditer ce petit bijou, ce qui m'a permis de le connaître. Par contre, c'est dommage qu'il n'y ait aucun avis ici bas.
"L'An 01", qu'est-ce que c'est ? C'est juste après que l'on se soit décidé de tout arrêter, c'est à dire là que tout commence.
Gébé nous montre simplement comment mettre en oeuvre l'utopie.
On y aspire souvent, en sentant l'inaccessibilité de la chose... et bien nous avons tout faux.
Gébé nous démontre toute la simplicité de l'An 01, c'est même tellement idiot que l'on se demandera, en riant comme on le fera si souvent, comment on a fait pour ne pas y songer plus tôt...
Vous voulez savoir de quoi il retourne (en en profitant au passage pour lire quelque chose qui fait du bien où ça fait mal, tout en distillant des notes poétique d'une intensité rare) ? Lisez, lisez donc.
Vous découvrirez alors que l'être humain n'est pas fait pour travailler, mais pour réfléchir...
Mais attention, une fois qu'on a commencé, c'est difficile de s'en passer.
Il y a d'abord l'idée, qui se développe au fil d'une ou deux planches par semaine dans Charly Hebdo pendant un moment, puis des réponses à des courriers de lecteurs, puis des séquences détaillées du film (qui est dispensable, parait-il), la façon de l'aborder, et en fil rouge, cette idée de "l'An 01", encore et toujours, si simple et pourtant imparable...
L'ensemble se lit très bien, c'est fluide, ça a des airs d'essai tout en étant parsemé d'humour...
Indispensable dans toutes les bibliothèques "intelligentes" ;O) |
rohagus
| Etonnante BD. Je débarque un peu en la lisant. Si je comprends bien, cet album reprend des planches et pages publiées dans Charlie Hebdo et Mensuel en 1971-1972. Une sorte de concept à l'époque consistant à émettre l'idée qu'une vraie révolution intellectuelle et sociale était possible et qu'on pouvait la mettre en place "dès maintenant". Sur cette base, Gébé et l'équipe de Charlie avait organisé des évènements puis réalisé un film collectif qui a eu un vrai succès... mais dont je n'avais jamais entendu parler.
"La société moderne est aliénée et n'est plus qu'une idiote fuite en avant. Arrêtons tout, posons-nous et réfléchissons. Ne gardons que l'essentiel pour vivre et développons nos esprits en communauté. Après un temps d'arrêt total, ne seront ranimés que les services et les productions dont le manque se révélera intolérable. Si nous nous y mettons tous ensemble, le monde peut changer d'un coup et devenir un paradis de simplicité et de bonheur". Tout cela fait très soixante-huitard mais il y a vraiment de l'idée dans ce qui est proposé ici en écrit et en images.
Car tout y est bien expliqué, réfléchi, les différents points de vue sont abordés, le pour et le contre pesés, les absurdités et les blocages sont repérés et des solutions recherchées. Un beau boulot de philosophie communautaire.
Textes et images se coordonnent de manière originale dans cette BD à la mise en page libérée. Tout est assez fluide malgré de grandes plages narratives, presque de vraies dissertations par moments. Il y a là un bon boulot de la part de Gébé.
Cela commence par une dénonciation du monde moderne. Le texte est incisif et souvent intelligent même si une telle caricature de la société de consommation est relativement cliché de nos jours. Certains points sont un peu exagérés ou paraissent désuets, mais Gébé aurait bien d'autres reproches à ajouter à la liste aujourd'hui.
Puis quand je commençais à me lasser un peu de cette dénonciation, l'auteur m'a présenté son An 01 pour de bon, ses résolutions, leur mise en place. Il y a vraiment de l'idée, beaucoup d'utopie et de naïveté mais de bonnes idées. Une sorte de communisme qui aurait bien tourné et où la valeur travail laisserait la place à la valeur développement intellectuel.
Les couacs de cette utopie m'ont cependant un peu gâché le plaisir de la découvrir. Comment se nourrissent-ils, comment s'habillent-ils, comment vont-ils tenir plus de 5 ans sans se remettre au boulot, sans reconstruire les habitations, et la liberté de moeurs et l'absence de propriété combien de temps cela tiendra-t-il, etc. L'idéal hippie n'a qu'un temps et aucune de leurs communautés n'a survécu, me semble-t-il. Certaines ont même très mal tourné, avec dérives sectaires, etc.
Bref, mon esprit rationnel et technocrate m'a empêché de savourer la justesse de la somme d'idées et de rêves de cette grande idée qu'est l'An 01.
Demeure cependant une BD originale et intelligente, au concept assez admirable dans l'idée et très révélatrice d'une époque post 68. |
jmmelo
| C’est la crise, le monde économique s’écroule, les valeurs de nos sociétés occidentales tombent le masque et cette chère main invisible régulant notre bon et bienfaiteur capitalisme, s’avère être plutôt un doigt bien tendu direct dans le c…
Alors que faire ? Mettre des sparadraps de plusieurs milliards sur les plaies béantes des industries dépassées Et prier très fort pour qu’ils tiennent ? Où faire violemment la révolution ?
Mais, si on faisait une pause plutôt ? Et plutôt que d’aller d’avant (ou d’arrière) si on faisait un pas de coté ? Aller on arrête tout : on regarde, et avec nos connaissances actuelles, réfléchissions à nos besoins réels.
Cette idée n’est pas de moi, mais celle pleine d’humour et de poésie de Gébé. C’est l’an 01, vaste projet, utopie joyeuse, né dans les pages de Charlie Hebdo entre 1969 et 1974. Le concept est simple, il tient en quelques résolutions:
En gros, on abandonne l'économie de marché et le productivisme, on replace l’homme au centre et on se penche sur des valeurs telles que l'écologie, la négation de l'autorité, l'amour libre, la vie en communauté, le rejet de la propriété privée et du travail.
Et dire qu’on l’avait oublié… Heureusement L’Association, s’efforce de faire vivre le patrimoine de la Bande Dessinée, qui n’est pas reconnu à sa juste valeur et rajoute ainsi la ligne Gébé dans l’Histoire de ce média.
L’ouvrage en question regroupe donc les pages publiées dans Charlie. Composé de planches indépendantes et autonomes, le livre se révèle pourtant étrangement cohérent. Pourquoi étrangement ? Parce que construire une utopie basée sur une « idée si simple » au fil de centaine de pages sans en révéler les failles et les faiblesses, est effectivement quelque chose tenant de la magie et de l’étrange.
Tout d’abord Gébé fait un état des lieux de la société (nous montrons que 1968, en fait, on nous l’a bien volé), décrivant une société ou l’idée de changement est pregnante, légitimant finalement que l’an 01 n’est finalement pas « une idée en l’air mais l’idée dans l’air ». Alors oui, on parle de Pompidou de Reagan et Moulinex, mais sa démonstration fait mouche, et on comprend très vite que ces noms sont facilement remplaçables par Sarkozy, Obama et PSA : Les propositions de nos décideurs ne seront jamais des solutions. Et puis Gébé se lance dans des pages plus techniques, décrivant les actions à mettre en place, et alterne avec des planches plus oniriques nous décrivant le plaisir des choses simples, la satisfaction, et la préciosité du futile.
L’utopie de Gébé se met ainsi en place au fur et à mesure. L’An 01 se réalise ainsi sous nos yeux, au fil des pages, gardant son humour et sa poésie mais gagnant en réalisme. Et la magie opère, l’an 01 devient intéractif, les lecteurs écrivent des chansons, créent des collectifs de mises en place de l’an 01 et posent des questions. Gébé y réponds, et l’utopie gonflent et finalement n’est plus si utopique que ça ! Le fait de penser l’an 01 c’est faire l’an 01 : on remet tout en question, on n’est plus spectateurs mais acteurs. A tel point que l’idée d’un film germe, et pousse même : 1973, le film « participatif » sort sur les écrans (on y croise Gérard Depardieu, Thierry Lhermitte, Coluche, l'équipe du Splendid, les collaborateurs de Hara-Kiri (à contre-emploi en réactionnaires nostalgiques de l'ordre ancien et du port de la cravate), Gotlib (en gardien de prison !), Jacques Higelin, ainsi que de nombreux autres…).
Alors voilà, même si « l’utopie ça réduit à la cuisson, c’est pourquoi il en faut énormément au départ », des aventures humaines de la sortes, totalement gratuites, juste pour se faire du bien à la tête, ça regonfle le morale.
Alors je vous le redis, L‘an 01, c’est drôle naïf et pertinent, puérile et sain. C’est une œuvre, dépassant son média de support, dépassant l’instigateur qu’est Gébé, c’est une idée folle qui rend joyeux et rêveur. Et puis si ça se trouve l’an 01, c’est demain ! |
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