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| Château de vampire à vendre |
C'est intenable aujourd'hui d'être un vampire., se dit Cora Narcissia Evguénia de Baskerville, jeune et belle vampire parisienne collectionneuse de chaussures et serveuse dans un casino tenu par la mafia. D'autant plus que dans la capitale les cas de morsure se multiplient et que des brigades anti-vampires commencent à se créer... La ville est en train de céder à une peur généralisée...
Cora fait la rencontre de l'un de ses congénères monté sur rollers, Tony, avec qui elle échafaude le plan de racheter un authentique château roumain reconstruit pierre par pierre à Paris au siècle dernier... Histoire de s'y installer et d'y couler des jours plus tranquilles... Elle projette de dérober l'argent de la mafia, dissimuler en haut d'uneimmense tour... Pour cela il va falloir apprendre à voler... Voler pour voler... Et Cora va retrouver James Brand de Sherwood, vieux vampire âgé de six siècles, pour lui demander de les former elle et Tony, ces deux apprentis vampires... |
  candebrelot
| Merci.
Merci à Cargo Films pour cette oeuvre qui sans conteste, relègue tous les tâtonnements de l'association à de simples oeuvrettes, Tardi à un tâcheron et Bilal à un amateur. L'affaire du siècle est bien plus qu'une simple BD, c’est une révolution dans l’édition.
Tout y est parfait.
La couleur d'abord. Elle est chatoyante et caresse la vue, ah ces effets de lumière, c'est bien simple on se croirait dans star wars. A tel point d'ailleurs, que j'ai du mettre des lunettes de soleil à mi-album. Cargo Films a eu l'audace encore jamais vue d'embaucher des coloristes qui, n'en doutons pas, avaient pour l'un un écran VGA en 16 couleurs et pour l'autre une cécité temporaire due à une observation trop prolongée du soleil. Quelle idée merveilleuse que d'alterner les images avec des dégradés subtils ( merci photoshop) avec d'autres où les couleurs sont disposées en grands aplats !
Le dessin ensuite. Quel talent ! Et on imagine avec délice comment les personnages auraient pu se ressembler d'une case à une autre, si le dessinateur n'avait pas les poignets dans le plâtre à la suite d'un stage de cassage de briques à main nues. A moins que ? Oui bien sur ! En fait dans un tabula rasa génial des codes de la BD, les auteurs se sont dit pourquoi un personnage doit-il avoir la même figure tout au long de l'album, pourquoi les décors ne peuvent-ils pas ressembler à du mauvais carton-pâte de Cinecitta ? Transgressons un à un ces codes cacochymes pour sortir la BD de sa gangue petite-bourgeoise. Le résultat est impeccable : les nombreux points de fuite de la perspective de chaque dessin nous permettent de loucher régulièrement. Le dessinateur sait gérer les priorités graphiques : dans une vignette la voiture est à peine esquissée alors qu'on peut lire merveilleusement bien la plaque d'immatriculation : OIN 92. Ce contraste est une grande claque à nos petites habitudes Franquiniennes. Ce qui est réellement admirable, c'est d’avoir dans une même planche 3 ou 4 styles différents, un par vignette. Une fois le trait est esquissé, une autre fois il est détaillé, une fois il est réaliste, une autre fois il est « gros nez » . Aucun éditeur n'a jusqu'à présent eu le courage de sortir une œuvre aussi éclectique en terme de style.
Cette BD sait faire rire aussi, en particulier lorsqu'une image occupe la page entière : lorsque Tony entre en transe Druillet peut aller se rhabiller.
23 années de travail pour ce scénario ne peuvent que laisser pantois. C'est bien simple 100 pages pour le premier épisode : L'affaire du siècle est à la BD ce que Bergmann est au cinéma. La BD est un art un silencieux et Beinex a voulu transcender cette limitation. Nous avons ainsi tous les bruitages écrit en gros pour qu’on les remarque bien (merci WordArt). Ah, le scritch des rollers un miracle de la sonorisation de la BD. Personne n'y avait pensé avant.
Pour les dialogues je ne retiendrai que celui-ci ciselé par un orfèvre : Cora va mal car le jour se lève et elle se va faire bruler par le soleil : « Ciel ! je vais me faire griller, que va devenir ma collection de chaussures ? »
En résumé une production très audacieuse qui a décidé de faire passer l'album directement des bacs des libraires aux bacs des soldeurs.
C'est une bouse. Totale. Définitive.
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Thorn
| J'ai des amis taquins. Très taquins, même. Pour mon anniversaire, j'ai eu droit au tome 2 de Rester Normal et à l'Affaire du Siècle (merci les potes, c'est trop, fallait vraiment pas...).
Donc, je l'ai lu. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est particulier. A tout point de vue, d'ailleurs : la narration est particulière, le découpage est particulier, le dessin est particulier, les couleurs sont particulières. Bon, c'est pas le genre de particularités auxquelles j'accroche, mais au moins, on peut reconnaitre à cette bd qu'elle est homogène.
Le petit problème, c'est qu'elle donne l'impression de vouloir tendre vers une certaine atmosphère réaliste sans s'en donner les moyens.
Le story board et la bd n'ont pas les mêmes finalités : l'un est composé d'énormément de dessins exécutés rapidement (en tout cas, pour le story board de film) sans aucune contrainte de placement des bulles ou de découpage de la page (puisque ce sont des images séparées les unes des autres qui auront toujours le même format), l'autre doit raisonner par page, avec des dessins soignés (dans le sens le plus large du terme : je considère un dessin de reiser ou sfar soigné dans le sens où il va bosser pour avoir un dessin qui correspond à ses attentes plutôt qu'un dessin rapide), et des bulles placées stratégiquement, pour que l'oeil puisse parcourir le récit sans heurts.
A première vue, la notion de particularité dont je parlais plus haut saute agressivement aux yeux. A seconde vue, on se rend compte que le dessin de l'affaire du siècle, mis à part les grosses erreurs de perspective, proportion, et tutti quanti, aurait pu passer s'il avait bénéficié de couleurs maitrisées. Et avec toute l'objectivité du monde, je n'ai vraiment pas l'impression que ça soit le cas. Des placements d'ombre et de lumière aussi approximatifs que le dessin, une surabondance d'aérographe pas toujours justifié qui amollit énormément l'emsemble, des incrustations malheureuses d'images qui font qu'on ne voit plus qu'elles, seuls détails nets dans un décor flou (je pense notamment à la photo de Mao dans le casino par 25, le plafond de l'opéra page 13 ou à l'eau des égoûts page 74), voire des erreurs flagrantes comme une zone de chair dont je n'ai toujours pas compris la présence entre la lèvre inférieure et les dents page 15... la liste est longue. On sent que les coloristes (dire qu'ils sont 3 !) ont voulu bien faire en tentant des contre-lumières par-ci par-là, mais vraiment, le résultat n'est pas à la hauteur de l'attente. Et l'ambiance qui aurait pu être donnée par les couleurs à défaut d'être donnée par le dessin n'est pas au rendez-vous.
Je parlais du découpage, tout à l'heure. Là encore, l'affaire du siècle ne faillit pas à sa réputation : il est particulier. Des cases qui débordent d'une page à l'autre sans aucune raison (quel intérêt de faire dépasser 5 millimètres de la première case page 8 sur la page 9 ?), quand ce n'est pas l'élément important d'une case qui se trouve au niveau de la reliure (la bille qu'embrasse Cora pages 26-27 ou le texte pages 68-69). La page 18, quand à elle, est la seule page de bd que j'ai jamais vu où il faut lire la case 2 après la case 3. Mais elle n'a rien à envier à la page 14 où j'ai longtemps été intriguée par cette bouche coincée entre 2 cases, avant de comprendre que c'était "juste" la dernière case de la page 13 qui avait été remise derrière les cases "normales" de la page. Pourquoi ? Mystère. Je ne pourrais même pas dire "pour remplir", puisque ce ne sont pas les espaces blancs qui manquent dans cet album*.
Je pourrais passer sous silence le fait que certaines cases sont jugées suffisamment importantes pour prendre un tiers de page à elles toutes seules, comme un gros plan sur une femme qui rit, ou un type qui tombe (enfin, qui re-tombe : il tombait déjà à la case précédente). Après tout, les auteurs ont droit à 90 pages, si ça leur fait plaisir de s'attarder sur des détails sans importance, pourquoi pas... Il n'empêche que ça donne un rythme assez cahotique (ou, disons, particulier) à l'album qui n'avait vraiment pas besoin de ça, le pauvre.
Reste le scénario. L'idée en elle même n'est pas mauvaise. Si si. Là où le bât blesse, c'est au niveau de l'adaptation. Les choses arrivent, elles repartent, et on en sait pas vraiment plus. Impossible de s'attacher aux personnages, de comprendre les motivations de certains (Eddy est persuadé que Cora est une vampire, d'accord, mais qu'est ce qui lui fait penser ça ?), et Cora qui se dit dramatiquement page 55 "Mon dieu. La lumière vient jusqu'ici !!" n'aboutit à rien quand on tourne la page. A se demander l'interêt de cette case. Les dialogues qui (j'espère) se veulent drôles tombent souvent à plat, comme le "Je vais frire ! Qui va prendre soin de mes chaussures ?" de Cora, ou le nom à tiroir hilarant de l'Emir Abel**.
Allez, le clou final : les onomatopées. Je ne sais plus où j'ai lu que Jean Jacques Beineix voulait introduire une dimension musicale dans la bande dessinée. C'est réussi à tel point que j'aimerais bien trouver des boules quiès spécial bande dessinée : les schlitt schlitt des rollers de Tony sont insupportables au bout de 3 pages. Ceci dit en passant, d'habitude, je suis allergique aux onomatopées rajoutées informatiquement. Dans une bande dessinée comme Alim le Tanneur, je trouve ça froid, trop tranché par rapport au dessin, superficiel. Ici, peut-être que le dessin et les couleurs sont-ils suffisamment particuliers pour que ces rajouts informatiques s'y intègrent sans problème. Particulier pour particulier, autant y aller à fond.
J'ai du laisser passer quelques autres problèmes (comme l'ordre des bulles pas toujours respecté), mais j'estime mon pavé suffisamment long. Peut-être tout cela sera-t-il corrigé dans le tome 2, qui sait. Mais ça sera sans moi de toutes façons... (hein les copains ? Pourquoi vous me regardez avec un air taquin comme ça ?)
* Dans mon exemplaire, ils ne le sont plus trop, blanc, puisque les amis qui me l'ont offert y sont allés de leurs petits commentaires tout au long de l'album. C'est la seule chose qui m'empêche de le revendre.
** soyons honnêtes : ce jeu de mots aurait pu passer dans un autre contexte, comme la théorie du cacao. Mais en tant que seul jeu de mot pourri sur les 90 pages de l'album, c'est moins réussi. |
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