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Maus
Dessin et scénario : Spiegelman Art

Maus, terminé


Volume 1 - 1987

Volume 2 - 1992


Prépublication

  • Hors albums (ou indéterminés)

  • Comix Book #0

  • Mon père saigne l'histoire

  • BAM - Qu'est-ce que La BD aujourd'hui ? #1

     

    5 avis


    thierry
    La premiere fois que j'ai entendu parler de MAUS, j'ai eu un a priori tres negatif. Je pensais encore que la BD n'etait pas capable de capturer la gravite d'un evenement tel que la Shoah. L'idee meme d'exacerber le rapport de force juif-nazi en donnant aux juifs des tete de souris alors que les nazis se retrouvent avec des tetes de chat me laissait craindre une rethorique primaire et un traitement sans doute sincere, mais surtout pueril. Mais a force d'entendre des avis favorables sur MAUS, je me suis jete a l'eau, et tous mes a priori ont vole en eclats.
    En nous faisant partager le calvaire de ses parents, juifs polonais sous l'occupation, Art Spiegelman reussit a rendre l'horreur de la situation palpable. Un peu a la maniere de Roberto Begnini dans "La Vita E Bella", il a ose passer outre les complexes engendres par l'Holocauste, qui entraine un traitement generalement trop academique, sans pour autant en attenuer la portee.
    Art Spiegelman nous raconte une histoire qui le touche directement: celle de ses parents. Son investissement emotionnel est d'autant plus intense. Et l'utilisation des tetes d'animaux (par moment, ce sont clairement des masques), identifiant les parties en presence, se revele beaucoup plus complexe qu'il n'en a l'air. Au premier degre, les Nazis-chats persecutent les Juifs-souris, au pays des Polonais-porcs. Quant aux Americains, ce sont des chiens.
    Mais ces masques rendent aussi ces personnages anonymes. Sans visage, leur identite n'est plus assuree que par leur nom. Et, inconsciemment, on se met a imaginer des visages derrieres ces masques. Puisque nous n'avons aucun repere, les visages de nos proches finissent par s'imposer, et on est amene a se sentir personnellement concerne par le destin de ces personnages. L'emotion n'en est que plus presente.
    En parallele au recit du calvaire de ses parents, Art Spiegelman nous parle de ses relations difficiles avec son pere, qui n'est pas du genre facile, en partie a cause des stigmates qu'il a garde de son passage a Auchwitz, mais aussi de ses doutes quant a l'entreprise a laquelle il s'est attaque. N'est-ce pas une tache impossible ? Et si ce livre qu'il est en train d'ecrire etait mauvais et indigne de la memoire des millions de victimes du Nazisme ?
    Un prix Pulitzer, un bourse offerte par la Fondation Guggenheim et les lecteurs ont du le rassurer sur ce dernier point. MAUS s'est impose comme une oeuvre indispensable.

    joe
    Maus est au Neuvième Art, ce que La Liste de Schindler pourrait être au cinéma, un chef d'oeuvre qui nous livre avec force et émotion le drame de la Shoah, dont on voudrait qu’elle n’ait jamais été qu’un cauchemar, et qui pourtant, fut bel et bien réalité quotidienne durant l’une des périodes les plus sombres de l’Histoire.

    On pourrait craindre le traitement d’un sujet aussi sensible, que la mémoire collective a marqué à tout jamais d’une pierre noire et qu’il est ô combien difficile et délicat d’aborder quel que soit le média utilisé.

    Mais quand on sait que le récit en question est le fruit d'un auteur talentueux qui a vécu lui-même les peines qu'il nous conte, on comprend mieux pourquoi cela nous émeut à ce point, et pourquoi cette histoire nous a touchés comme on n’aurait peut-être jamais pu le concevoir à la lecture d'une bd. On comprend alors pourquoi Maus est plus qu'une simple bd, mais s'impose comme une oeuvre magistrale...

    Difficile en fait de parler d'un titre comme Maus, le dessin faussement simpliste de Spiegelman pourrait, à tort!, en rebuter plus d'un, mais vouloir passer à côté de Maus c'est fermer les yeux sur une oeuvre d'exception, sur un monument du Neuvième Art! Le scénario est quant à lui époustouflant et d'une intelligence rare.

    Ceux qui l'ont lu doivent avoir le même sentiment qui m'envahit en écrivant ces quelques lignes. La difficulté de parler d'un sujet aussi sensible n'a ici d'égal que l'aisance d'Art Spiegelman de nous faire partager ce qu'il a lui-même enduré... lui et tant d'autres.

    Je me souviens avoir entamé cette oeuvre magistrale une veille d'examen, à une heure trop tardive pour encore espérer réussir celui-ci, mais pas assez pour me décrocher de cette lecture passionnante et définitivement bouleversante!
    J'ai tourné la dernière page aux toutes petites heures, après un long chemin qui m'a emmené jusque dans les méandres de ce cauchemar qu'ont vécu des centaines de milliers de juifs, il y a de ça un peu plus d'un demi-siècle, sans jamais parvenir à ressentir leurs souffrances, mais avec la fierté d'avoir au moins essayé...

    Soyez en sûrs, après l’indispensable lecture de Maus, cette BD restera à jamais marquée dans votre mémoire de bédéphile, un peu comme le drame qu'elle raconte dans la pourtant longue histoire de l'humanité...

    Mr_Switch
    Maus est une énième bande dessinée sur la Seconde guerre mondiale. Bande dessinée quelconque ?
    Les pauvres juifs sont de pauvres souris. Les méchants nazis sont de gros matous. Bande dessinée simpliste ?
    Le héros juif est radin, cherche l'argent. Il est manipulateur.
    Il est toujours invivable au quotidien, des années après les camps. Au terme de sa vie, sa mentalité peut faire frémir. Bande dessinée antisémite ?
    On pourrait se le demander si on ne lisait que des extraits.

    Pourtant cette bande dessinée (qui aurait envie de dire "BD") est un oeuvre qui vous choque. Qui vous choque car comme dit Umberto Eco : "Maus est un livre que l'on ne referme pas, même pour dormir." On peut refermer le livre physiquement mais intérieurement il ne se referme pas.
    Cette biographie du père de l'auteur n'est finalement pas une oeuvre sur les camps. C'est plutôt une introspective du père mais surtout du fils. Spiegelman, l'auteur est juif, lui même Oh, il n'est peut être pas très pratiquant mais il ne le renie pas. Ca empêche au moins de lui reprocher un antisémitisme. Mais Maus n'est pas pro-sémite pour autant. Ce n'est pas le débat racial qui importe dans cette oeuvre.

    C'est vraiment le malaise de chaque personnage : bien sur Vladek Spiegelman, le "héros" mais aussi Anja sa femme suicidé (malaise explicite), Mala, sa seconde femme dont on ne sait pas si on doit la plaindre ou s'indigner d'elle. Cependant, d'abord de manière implicite puis de plus en plus explicitement, on comprend que le vrai thème, ce n'est pas proprement les camps, ni les juifs, ni proprement le malaise des survivants des camps... C'est le malaise de Art Spiegelman lui-même.
    Pourquoi ? Et bien lisez Maus !

    hoody
    Maus: le passage obligé de toute culture individuelle qui se respecte.

    Personnel, pénetrant d'humanité, sans pleurnicherie ni édulcorant, que du vécu.
    Spiegelman exploite à fond son support: la BD, c'est ce qui hisse Maus à la hauteur des oeuvres de Primo Levi et Lanzman. Le contenu ici est différent et quel meilleur support que la BD, sa modestie et sa capacité d'abstraction, pour faire comprendre à son lecteur l'incompréhensible.

    Grace à la distance prise par le dessin, le choix de l'animalier, Spiegelman peut se concentrer sur un récit d'une fluidité exemplaire en prenant la grande Histoire par le petit bout: son ambition ne sera jamais de transcrire la shoah dans son horrible et indescriptible réalité mais juste de livrer 2 extraits de biographies entrecroisées: la sienne et celle de son père qui a connu les camps. Oui car en plus d'etre passionnant et juste, hormis ce dessin qui rebute puis fascine, Maus se pait le luxe d'etre tres "agréable" à lire (c'est quand meme sur la shoah!).

    Par cette modestie, Spiegelman surpasse les fictions cinématographiques qui ont été réalisées sur le sujet: il ne montre l'immontrable que de manière indirecte, par abstraction et laisse à celui qui veut en voire plus le soin de visionner Shoah ou Nuits et brouillard. Sans pour autant fuire le sujet, rien ne nous est évité et on a souvent la gorge serrée devant son bouquin.

    C'est donc pour moi, en dehors du sujet, une fantastique démonstration que la BD est un art à part, avec son intéret propre.

    Si on ajoute une superbe édition intégrale dont la maquette est réalisée par le grand Artie lui-meme, rien ne peut justifier d'éviter cette oeuvre simple et puissante à juste titre couverte de prix.

    Et puis, le petit format, le dessin noir et blanc tres typé mais peu accessible, la prédominance du récit, le travail sur le ton et la fluidité, l'(auto)biographie, ca vous rappelle rien? Pour moi c'est les bases de ce qui va inspiré bien plus tard et en France... L'Association, (mais si, mais si, relisez Persepolis).

    ingweil
    Comment raconter l’holocauste ? Une telle horreur est-elle exprimable à travers la bande dessinée, médium souvent décrié ? Ceux qui ne l’ont pas vécu peuvent-ils en parler ? Voilà ce à quoi s’attaque Art Spiegelman dans Maus, à la fois témoignage saisissant d’un survivant d’Auschwitz, son père, et interrogation sur l’opportunité d’un tel récit et l’héritage d’une telle épreuve.
    ________________________________________

    Mickey Mouse est l’idéal le plus lamentable qui ait jamais vu le jour... De saines institutions incitent tous les jeunes gens indépendants et toute la jeunesse respectable à penser que cette vermine dégoûtante et couverte de saleté, le plus grand porteur de bactéries du règne animal, ne peut être le type animal idéal... Finissons-en avec la tyrannie que les Juifs exercent sur le peuple ! À bas Mickey Mouse ! Portez la croix gammée !
    Article de journal, Allemagne, milieu des années 30.


    De cette confusion horrible entre une souris symbole de l’Amérique maudite des nazis et les Juifs, peuple haï, Spiegelman tirera le titre de son œuvre : Maus, souris en Allemand, dont la sonorité évoque immanquablement Auschwitz ; et le choix de la représentation des Juifs dans sa BD : la souris. Les allemands sont représentés par des chats et les polonais par des cochons. Au-delà de la métaphore du chat et de la souris et de la cruauté qu’affectent les premiers quand ils se saisissent des seconds, Spiegelman rend ainsi difficilement identifiable son père, sa mère et leurs proches, signifiant ainsi l’anonymat dans les ghettos et les camps, rappelant ces images terribles de ces hommes et de ces femmes atrocement décharnés et de leur similitude à la sortie des camps, cohortes de cadavres en sursis. C’est aussi une manière de faire du récit de Vladek, le père d’Art Spiegelman, le récit qu’aurait pu nous faire n’importe quel survivant de cet enfer.

    Car enfer il y aura. Vladek et Anja, les parents d’Art Spiegelman, vont subir de plein fouet l’horreur de l’occupation allemande de la Pologne, le ghetto et enfin les camps. C’est Vladek qui raconte à la première personne les périodes de la guerre, rendant le témoignage plus poignant. Son astuce et sa débrouillardise ne lui permettront finalement que de le sauver ainsi que sa femme. Ses parents, ses beaux-parents, ses amis, ses cousins, son premier fils... tous finiront gazés, fusillés, pendus, empoisonnés... Vladek et Anja auront plus de chance : ils s’en sortiront, bien que marqués à vie par cette épreuve terrible et la mort de leur petit garçon, le pauvre Richieu.

    Si Maus n’était « que » l’histoire de cette guerre, ce serait déjà une œuvre admirable et nécessaire, douloureuse piqûre de rappel de ce que fut cette tragédie. Mais Spiegelman va bien plus loin : en confrontant son père à son passé, il confronte aussi son statut de conteur, son statut de survivant d’une guerre à laquelle il n’a pas participé et nous offre une réflexion passionnante et douloureuse sur la famille et son héritage.

    Il y a cette scène extraordinaire, révélatrice du pourquoi de ce livre et de l’implication qu’y a mise Spiegelman : Vladek est décédé, Art n’arrive plus à continuer sa BD et se représente devant sa table à dessin, humain avec un masque de souris, un charnier de souris à ses pieds. Il cherche à donner un sens à son livre, à trouver un moyen de continuer, et surtout, à justifier la vision qu’il donne de son père. Car cette dernière est terrible : pingre, tyran envers sa famille, raciste (!), hypocondriaque... le tableau n’est pas brillant. Surtout quand on le compare au jeune homme malin, inventif qui est sorti vivant d’Auschwitz, qui a sauvé sa femme en lui faisant passer de la nourriture au péril de sa vie.

    Le seul moyen pour Art de parler avec son père est d’évoquer l’holocauste, c’est le seul sujet qui ne prête pas à disputes. Ça permet aussi à Vladek d’oublier ses problèmes actuels, d’une banalité presque affligeante au vu de son parcours ; d’une certaine manière, c’est un moyen de le rendre vivant, puisque, comme le dit Art Spiegelman « Il [Vladek] n’a pas survécu à la guerre ». Il est resté là-bas, comme le prouvent ses cris au milieu de la nuit, son obsession de ne rien gâcher, sa pingrerie... Parler de l’holocauste, c’est réveiller en lui ce qu’il a été avant, au temps de l’insouciance, au temps où sa femme était en vie. L’écriture de Maus permet à Art de chercher son père, d’essayer d’aller à sa rencontre.



    Cette quête du père s’accompagne d’un sentiment très puissant : la culpabilité. Culpabilité d’avoir survécu là où Richieu est mort, sa photo ornant les murs de la chambre parentale comme un vivant reproche. Culpabilité envers sa mère suicidée, renvoyée par les proches qui l’accusent d’être responsable de la mort de cette dernière. Enfin culpabilité envers son père même, culpabilité de ne pas être capable de le supporter, lui qui a subi les camps, culpabilité de ne pas être capable de l’aider à entretenir sa maison, lui qui est malade...

    Maus est le récit de deux souffrances abominables : celle de Vladek dans les camps, celle d’Art face à son père. Si Vladek ne sortira jamais de son cauchemar éveillé, on veut croire à la fin de Maus qu’Art a réussi à éloigner le spectre de la Shoah, qu’il vivra heureux. La tombe représentée à la dernière case de Maus ne semble pas sinistre, mais comme une façon de faire le deuil de ses parents, d’accepter leur mort et de rejeter cette culpabilité, de laisser tout ce malheur derrière soi. Plutôt qu’un livre sur la Shoah, Maus est un livre sur un enfant de la Shoah, sur le terrible poids que cela comporte et est, sans aucun doute, l’une des meilleures BDs jamais écrites.

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