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Robert CRUMB [ Bandes Dessinées : auteurs, séries, et toutes ces sortes de choses... ] retour forum Pages : 1 - 2 - 3
 | |  |  | Un quelque chose, il y a comme, je trouve aussi, dans la mise en relief par hachure.
Mais il me semble également que cette technique n'était pas rarement utilisée.
Je vais faire quelques recherches. |
 | Pierre, 22.09.2019 à 21:29 | 372263 |
|  |  | Savez-vous si Crumb a exprimé quelque part un quelconque intérêt pour Gasoline Alley ? Au vu des images ci-dessous qui appartiennent à la préhistoire de la série (1918-1919), je trouve qu'il y a comme un quelque chose ...



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Pierre : | Quant à l'interprétation de la nature du liquide qui s'échappe de la bouche de cette pin-up, je ne pourrai pas être définitif, mais ma caissière n'en a visiblement pas ressenti l'aspect écumant et rabique (où sont les bulles ?). Le préfacier -qui explique qu'il s'agit du détournement d'une photo publicitaire - semble l'interpréter de la même manière que moi, et l'examen de la coulure qui trône sur le sein droit, de par sa texture, me semble un élément convaincant. Quoiqu'il en soit, cette image est joyeusement obscène et c'est l'effet recherché je crois. |
Oui. |
 | Pierre, 12.11.2018 à 20:05 | 370405 |
|  |  | Allister Baudin : |
Pierre : | La traduction de Jean-Pierre Mercier, bourrée d'anachronismes stupides, m'a un peu gâché ma lecture, je dois le confesser. |
Tu penses à quoi comme anachronismes ?
Pierre : | 
Une petite anecdote pour finir: j'ai acheté cet album par un dimanche ensoleillé de fin septembre, Fnac des Ternes où j'étais venu trouver le tome 4 de l'Arabe du futur. Je découvre l'album de Crumb et le prends sans hésiter. Je passe en caisse, la caissière m'encaisse mais, retournant l'album pour y lire le code barre, elle a tout à coup une expression de stupeur et de dégoût. Son "au revoir" sera des plus glaciaux. Rentré chez moi, je me saisis de ma fraîche acquisition, et découvre le quatrième plat, une très belle pin-up comme seul Crumb en a le secret, plantureuse à souhait, le popotin en arrière, les mains sur les hanches, et ... la bouche écumante de sperme ! Quel coquin, ce Monsieur Cornélius. Je comprenais enfin l'effroi de cette pourtant si charmante caissière ... |
Je viens de recevoir un poster géant de ce dessin de 4e de couverture (poster édité en espagne par Josep Toutain, qui a sorti des collections de bandes dessinées assez incroyables là-bas) et j'avoue avoir simplement cru que la pin-up avait la rage (une rage ambigue, mais une rage quand même). |
Ah ah ! Les anachronismes, je les avais noté sur un bout de papier que j'ai égaré, mais en gros, le traducteur utilise à plusieurs reprises un vocabulaire ou des expressions d la fin des années 2010 pour traduire une œuvre des années 1980. J'ignore si c'est intentionnel ou non, mais ça me laisse perplexe, autant d'un point de vue esthétique qu'historique.
Quant à l'interprétation de la nature du liquide qui s'échappe de la bouche de cette pin-up, je ne pourrai pas être définitif, mais ma caissière n'en a visiblement pas ressenti l'aspect écumant et rabique (où sont les bulles ?). Le préfacier -qui explique qu'il s'agit du détournement d'une photo publicitaire - semble l'interpréter de la même manière que moi, et l'examen de la coulure qui trône sur le sein droit, de par sa texture, me semble un élément convaincant. Quoiqu'il en soit, cette image est joyeusement obscène et c'est l'effet recherché je crois. |
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Pierre : | La traduction de Jean-Pierre Mercier, bourrée d'anachronismes stupides, m'a un peu gâché ma lecture, je dois le confesser. |
Tu penses à quoi comme anachronismes ?
Pierre : | 
Une petite anecdote pour finir: j'ai acheté cet album par un dimanche ensoleillé de fin septembre, Fnac des Ternes où j'étais venu trouver le tome 4 de l'Arabe du futur. Je découvre l'album de Crumb et le prends sans hésiter. Je passe en caisse, la caissière m'encaisse mais, retournant l'album pour y lire le code barre, elle a tout à coup une expression de stupeur et de dégoût. Son "au revoir" sera des plus glaciaux. Rentré chez moi, je me saisis de ma fraîche acquisition, et découvre le quatrième plat, une très belle pin-up comme seul Crumb en a le secret, plantureuse à souhait, le popotin en arrière, les mains sur les hanches, et ... la bouche écumante de sperme ! Quel coquin, ce Monsieur Cornélius. Je comprenais enfin l'effroi de cette pourtant si charmante caissière ... |
Je viens de recevoir un poster géant de ce dessin de 4e de couverture (poster édité en espagne par Josep Toutain, qui a sorti des collections de bandes dessinées assez incroyables là-bas) et j'avoue avoir simplement cru que la pin-up avait la rage (une rage ambigue, mais une rage quand même). |
 | Pierre, 11.11.2018 à 13:21 | 370388 |
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J'ignorais tout de cette Mode O'Day jusqu'à la sortie de cette réédition augmentée. Je trouve que Crumb, ce symbole des années psychédéliques et hippies, y a parfaitement capté le basculement des années 80 vers le triomphe cynique du fric, du chic, du branché, avec le personnage assez pathétique de cette "exectutive woman" bizarrement encombrée d'un ami looser à tête de chien, un désabusé qui semble incarné un alter ego de l'auteur qui assiste impuissant à l'abandon des utopies de la décennie précédente. On regrette qu'il n'y ait pas davantage de pages. Heureusement, pour compléter cette anthologie, l'éditeur a retrouvé des strips de Crumb, assez charmants, dans son vieux style, mettant en scène une employée de bureau écervelée - Roberta Smith -, quelque peu antérieurs aux années de libérations de moeurs: de l'un à l'autre, on comprend mieux ainsi les lisant par déduction (même si elle n'a été qu'une illusion) l'expression de "parenthèse enchantée".
La traduction de Jean-Pierre Mercier, bourrée d'anachronismes stupides, m'a un peu gâché ma lecture, je dois le confesser.
Une petite anecdote pour finir: j'ai acheté cet album par un dimanche ensoleillé de fin septembre, Fnac des Ternes où j'étais venu trouver le tome 4 de l'Arabe du futur. Je découvre l'album de Crumb et le prends sans hésiter. Je passe en caisse, la caissière m'encaisse mais, retournant l'album pour y lire le code barre, elle a tout à coup une expression de stupeur et de dégoût. Son "au revoir" sera des plus glaciaux. Rentré chez moi, je me saisis de ma fraîche acquisition, et découvre le quatrième plat, une très belle pin-up comme seul Crumb en a le secret, plantureuse à souhait, le popotin en arrière, les mains sur les hanches, et ... la bouche écumante de sperme ! Quel coquin, ce Monsieur Cornélius. Je comprenais enfin l'effroi de cette pourtant si charmante caissière ... |
 | crepp, 31.01.2018 à 11:38 | 368180 |
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"Et Adam vécut 130 ans, et il engendra à sa ressemblance, et lui donna le nom de Seth. Les jours d'Adam, après qu'il eut engendré Seth, furent de 800 ans, et il engendra des fils et des filles. Tous les jours d'Adam furent de 930 ans. Et il mourut.
Et Seth vécut 807 ans après avoir engendré Enosh. Et il engendra des fils et des filles. Tous les jours de Seth furent de 912 ans. Puis il mourut.
Et Enosh vécut 815 ans après avoir engendré Kenan, et engendra des fils et des filles. Tous les jours d'Enosh furent de 905 ans. Puis il mourut.
Et Kenanvécut 840 ans après avoir engendré Mahalalel, et il engendra des fils et des filles. Tous les jours de Kenan furent de 910 ans. Puis il mourut
..."
et ça continue encore et encore , c'est que le début d'accord d'accord (désolé), non mais au secours !!! que c'est chiant, que c'est long !
Crumb explique au début de la BD qu'il était étonné de ne voir que des adaptations de la Génèse, mais que personne n'a essayé en BD de retranscrire sans y toucher. Ben il y a peut être une raison c'est que le texte est vraiment pénible en version Brut.
Alors le trait de Crumb est un régal, mais sa Génèse entre dans mon club très très très fermé des BD non lues jusqu'au bout.
1 pomme (pour le trait)
Je vais relire "Marie pleurait" de Chester Brown, là au moins c'était fort. |
 | Glotz, 22.04.2017 à 9:09 | 365494 |
|  |  | Katsuhiro Tsugi.
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 | Mael, 12.02.2017 à 13:51 | 364948 |
|  |  | Stara Comix, déjà éditeur (relativement mystérieux, pas de site, page FB plus mise à jour depuis trois ans...) de plusieurs belles anthologies/intégrales/traductions de BD underground américaines comme
 
A Angoulême on pouvait tomber sur certains stand sur le bulletin de souscription suivant, pour une édition intégrale des Zap Comix en français. Aucune trace en ligne alors :
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 | |  |  | lanjingling : | C'est une anthologie thématique ? Parce que Crumb est pafois très dur envers les Etats-Unis, et si toute sa rancoeur est concentrée dans ce volume, je comprends que ce soit étouffant. |
Oui, je dirais que c’est une anthologie assez thématique. La très belle anthologie des éditions Cornélius se présente sous forme de recueils de bandes de différentes époques, regroupées de façon assez homogène. Et effectivement, dans celui-ci, la sélection de bandes est un concentré de bile anti-américaine. Or, je trouve que c’est souvent là que Crumb est le plus faible, car il fait, comme je le disais, trop dans le frontal et le caricatural, dans l’exutoire. Alors, que ça le défoule ou qu’il en ait besoin, je le conçois, mais, à lire, c’est un peu indigeste et pas très intéressant. D’autant plus qu’ici, ça manque cruellement d’humour (d’humour qui me parle, je veux dire... Je suppose que d’autres personnes ont trouvé ça très drôle). Je préfère Crumb dans l’autodénigrement (il y en a un peu ici, mais si peu. J’ai bien aimé la bande intitulée "Pointons du doigt", par exemple, ou il s’en prend à Donald Trump et à tout ce qu’il représente, mais aussi à lui-même), ou quand il parle aussi des choses qu’il aime ou pour lesquelles il a un brin de tendresse (ça lui arrive, parfois, quand il cause blues et époques révolues, par exemple).
C’est pourquoi j’adore les volumes intitulés Mister Nostalgia et Mes problèmes avec les femmes (j’avais bien aimé aussi Sans issue que j’avais lu il y a une quinzaine d’années, mais il faudrait que je le relise pour me faire une idée plus nette. Tiens, ce sera peut-être mon prochain achat, du coup. :o)), bien équilibrés et savamment dosés, et que je n’accroche pas avec celui-là.
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 | |  |  | Sur le site de Crumb , il y a un volume America, le "Crumb's private sketches from '75-'77", je n'ai pas du tout l'impression que cela corresponde au volume décrit par Charlie Brown.
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 | |  |  | Charlie Brown : | 
Première déception depuis que j'ai entamé la lecture (et l'achat !) de l'anthologie Crumb aux éditions Cornélius. A une ou deux bandes près, je n'ai pas beaucoup aimé ce recueil consacré à une sorte de critique radicale (mais souvent trop facile et un peu vaine, je trouve) de son pays, dans lequel Crumb se montre trop haineux, trop frontal, trop caricatural. Trop concentré et pas assez aéré. Aucune respiration positive dans cet exutoire négatif. Et pas vraiment d'occasion de rire ou de sourire, hélas. | C'est une anthologie thématique ? Parce que Crumb est pafois très dur envers les Etats-Unis, et si toute sa rancoeur est concentrée dans ce volume, je comprends que ce soit étouffant. Il me semble qu'il avait dessiné une histoire intitulée Amerikkka (pas subtil, en effet), mais impossible de vérifier , google est bloqué en Chine depuis plusieurs jours (cf. mon message "P.S." dans le verdict panoramique) |
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Première déception depuis que j'ai entamé la lecture (et l'achat !) de l'anthologie Crumb aux éditions Cornélius. A une ou deux bandes près, je n'ai pas beaucoup aimé ce recueil consacré à une sorte de critique radicale (mais souvent trop facile et un peu vaine, je trouve) de son pays, dans lequel Crumb se montre trop haineux, trop frontal, trop caricatural. Trop concentré et pas assez aéré. Aucune respiration positive dans cet exutoire négatif. Et pas vraiment d'occasion de rire ou de sourire, hélas. |
 | phicil, 21.06.2013 à 10:03 | 351570 |
|  |  | Pour ton dernier paragraphe, j'ai un peu de mal a comprendre : " Il y a enfin chez lui le regret d'une pureté perdue, le fantasme d'un passé édénique ... Un de ses dernier livre marquant n’est-il pas une adaptation littérale de la Genèse ?"
D'après toi il a fait la Genèse parce que il a un fantasme d'un paradis perdu, genre un lieu ou on etait tout nu et ou on s'enc...it dans la nature sans honte ?
Il me semble plutot que son travail sur la Genèse a un porté plus historique, le fait que sa source est vague et qu'il remonte dans d'anciennes civilisations. Il est fasciné par ce texte qui porte en lui des millénaire de croyance et a façonné la civilisation occidental, dans sa moralité du bien et du mal. Il le reconnait lui même que ce texte ne peut venir de dieu, qu'il est une invention humaine, mais ce qu'il trouve intêressant, c'est que ce texte porte les traces de textes encore plus ancien.
Il est croyant c'est sur, mais se dit gnostique, ce qui veut dire que c'est plus mystique et moins attaché au textes, il me semble.
Sinon je serais interessé de savoir ce qu'il entend par socialisme, car socialisme pour un américain cela peut très bien dire beaucoup de choses, très loing de notre partie socialiste Français. Cela peut aller du social démocrate au communiste trostkyste (SWP des années 30), et anarchiste communisme etc, c'est aussi du socialisme à la base...
Ce n'est pas tant qu'il soit un moraliste, c'est qu'il reconnait la bestialité dans l'humain, Mais je ne suis pas sur qu'il la condamne du moins pour l'attirance sexuelle, comme le fait la religion catholique.
En tout cas, merci aux éditions Cornélius pour l' Anthologie qu'il sont en train de publier ! |
 | phicil, 20.06.2013 à 11:12 | 351560 |
|  |  | Pas trop d'accord avec toi. Son anti-modernité se tourne d'avantage vers une certaine société américaine, consumériste, et ambigue (puritanisme et liberté sexuelle) c'est ce qu'on voit dans le film de Zwigoff.
Il dessine bien avec des rapidographes, et non avec une plume d'oie, même si c'est un grand admirateur du moyen age et de Bosh, Bruggel l'ancien.
Quelle sont ses idées, on ne sait pas. on est pas dans sa tête et on est obligé de se baser sur des bribres (infos, vue que le monsieur préfère dessiner que de se déballer aux médias. De plus, quand il leur parle (comme dit Jean Pierre Mercier dans miettes) il le fait en noyant le poisson dans une surenchère d'ambiguité et d'ironie. |
 | Pierre, 17.06.2013 à 22:55 | 351531 |
|  |  | C'est amusant comme certaines épithètes ont le don de chatouiller à certains endroits quitte à évacuer l'amorce d'une discussion ... J'entends le terme de réactionnaire dans une acception large, sans connotation polarisée (en ce sens un citoyen russe militant pour la restauration de l'Union soviétique est par définition réactionnaire). Sans vouloir réduire la complexité de Crumb à cet unique aspect, le texte de Cornélius m'a semblé pertinent parce qu'au-delà de son ambiguïté (est-il sérieux ou bien est-ce du second degré ? Chacun jugera), il développe une lecture possible avec un point de vue argumenté sur ce caractère particulier à l'oeuvre de Crumb qui revient dans nombre de ses histoires, cela me semblait donc intéressant de le partager puisqu'il résume assez bien mon ressenti (et non pas des certitudes). Il y a d'ailleurs dans ce livre à chaque page une condamnation sans appel des années 60 (le récit « I Remember the sixties » ne laissant aucun doute à ce sujet), condamnation qui va à l'encontre du consensus progressiste admis sur cette période historique. On y lit aussi dans l'aveu du fantasme de domination de femmes juives et de femmes noires comment Crumb traîne malgré lui l’héritage de la mauvaise conscience de cette Amérique d'"avant".
En tout cas, si une chose est bien sûre, c'est que Crumb n'est ni anarchiste, ni communiste, ni révolutionnaire, ni écologiste ni altermondialiste. A la différence de ceux-ci il n'a aucun projet à opposer et son rejet n'est pas spécifiquement celui de la société actuelle mais plutôt de la notion même de modernité. S'il fallait lui coller un -iste, ce serait peut-être moraliste (il croit aux valeurs et à la civilisation -il n'a pas renoncé au socialisme!). Il y a enfin chez lui le regret d'une pureté perdue, le fantasme d'un passé édénique ... Un de ses dernier livre marquant n’est-il pas une adaptation littérale de la Genèse ? |
 | phicil, 17.06.2013 à 11:24 | 351519 |
|  |  | Comme tous propos lapidaire, c'est surement une caricature. On ne peux réduire une personne complexe à un mot. Certes il a un amour de la musique américaine de la fin du 19eme siècle et début 20 eme. Pour le reste, avoir en horreur la société actuelle, ne prouve en rien qu'il souhaite un retour a la société politique et social du début du 20 eme siècle, (surtout quand on connait un peu celle des USA... de la ségrégation, du capitalisme, du fameux rêve américain...). L'amour qu'il a pour une musique du passé, et pour une amérique moins citadine, ne fait pas spécialement de lui un réactionnaire, sinon , tous les anarchistes, communistes, révolutionnaires, écologistse, altermondialistes... etc sont des réactionaires...
Sinon pour répondre a ces mots,
Aba Sourdi : | La base de mon problème avec Crumb est tout simple : je ne ressens rien dans son trait, je le trouve très sage, très propre. (Je parle bien de son trait et pas des choses qu'il représente avec, vous me suivez.)
Autant quand je vois un trait de Menu ou de Konture ou de Sfar ou de Blanquet je suis tout entier dans leurs cerveaux torturés, ça vibre, ça me fait quelque chose, autant chez Crumb je vois un travail bien fait, bien hachuré, bien proportionné sans que rien ne me touche. Il n'est pas le seul, je retrouve ce côté trop sage chez beaucoup de dessinateurs, souvent américains, même et surtout quand ils racontent des choses un peu tordues. Je ne comprends pas comment on peut rester si appliqué quand on souhaite être déglingué. On peut jouer sur ce décalage cinq minutes, okay, mais sur des tonnes et des tonnes de pages c'est un peu lassant.
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Que tu ne ressente rien, c'est ton gout subjectif.
Pas sage, ou sage, tout cela ne rentre pas en compte pour moi, c'est une manière de penser dogmatique. Chaque cas est le reflet d'un personne.
il y a evidemment des dessinateurs "pas sage" très honnête, mais ils y'en a un gros tas qui font du cinéma, ils se font du thêatre pour se prouver à eux même qu'ils sont des artistes, qu'il participe a 'l'Histoire de la bd, c'est leur recherche principal en fait, plus que l'honnêteté, il cherche à être des artistes, tout leur travail est orienté dans ce sens, (même si il ne s'en rende pas compte), c'est une recherche égoiste de paraître...
Je trouve dans le dessin de Crumb, une honnêteté immense, qui ne se pose pas ce genre de question. Il dessine, c'est tout.
il dessine je dirais de manière un peu automatique, sans se poser de question, sans jouer de rôle, il se livre tel qu'il est. Sur le papier c'est un reflet de son âme que je vois, une grande sincérité. |
 | Pierre, 16.06.2013 à 20:59 | 351510 |
|  |  | Je crois un jour avoir qualifié Crumb de "réactionnaire". Les textes de présentations imprimés sur les rabats de la couverture de Mes problèmes avec les femmes me semblent étayer ce propos lapidaire:
Au détour d'une histoire de Mes Femmes, Crumb livre au lecteur sa vision du bonheur : une vieille maison de bois avec un porche à l'ancienne, où s'asseoir en famille pour gratter du banjo. Ni vin, ni drogue, ni danse, mais l'ambiance d'un tableau de Grant Wood et l'illusion du retour à l'Amérique agraire, frugale et modeste que rêvaient les pèlerins du Mayflower. La culpabilité de ce puritain convaincu de la bestialité du sexe s'exacerbe au contact du San Francisco des années 60 et le pousse à battre sa coulpe à tour de bras. Pour mieux nous persuader de sa dépravation, Crumb dresse le catalogue scrupuleux de ses perversions, mise en scène des fantaisies masturbatoires d'un gringalet blanc, qui assouvit sa misogynie et apaise ses frustrations en dominant juives callipyges et négresses stéatopyges. Comme il se doit, la confession précède l'absolution. Devenu pèlerin exemplaire, le dessinateur choisit la route de la rédemption qui passe par le travail et la famille. Et il ne reste plus à Robert Crumb, l'artiste fameux, l'époux aimant et le papa gâteau, qu'à rendre grâce de tant de bienfaits aux dieux qui lui ont épargné le destin de Don Juan, précipité dans les flammes de l'enfer, ou de Sante Kalzone, l'érotomane de La Cita Delle Donne, assiégé par les féministes en fureur. Aujourd'hui réfugié dans la paix et le confort de la cellule familiale, le dernier représentant du style gothique américain cultive la nostalgie du passé disparu, met en ordre sa collection de disques anciens et fantasme sur les cuisses de Venus Williams. Foyer, doux foyer.
Robert Crumb ne se consolera jamais d'être né en 1943, trop tard pour rencontrer Charley Patton et Blind Lemon Jefferson. Accompagné depuis par les accents nostalgiques de ces bluesmen oubliés, il regarde les hommes, lobotomisés par la société de consommation et ses médias, transformer la planète en dépotoir en danser joyeusement au sommet de leur tas d'ordures. Né dans une famille typique de la classe moyenne, Crumb est exposé toute son enfance aux illusions et aux frustrations du rêve américain. Un environnement violent alimente très tôt ses inhibitions, et il trouve dans le dessin, sous l'influence décisive de son frère aîné, Charles, un refuge taillé à sa mesure. La découverte simultanée des drogues et de la liberté sexuelle au milieu des années 60 va servir de déclencheur à une œuvre dégagée de toutes conventions morales. Le malentendu qui, à cette époque, fera de lui une figure emblématique du mouvement hippie, ainsi que les traumatismes hérités de son enfance, l'amèneront à une forme de désenchantement actif et visionnaire qui alimentera de bout en bout une inspiration aussi variée que pléthorique. Imperméable aux modes, l'œuvre de Crumb chronique le suicide annoncé d'une humanité qui, quoi qu'elle en dise, n'a guère changé depuis l'Empire romain. Invité malgré lui d'un nouveau banquet de Trimalcion aux dimensions planétaires, ce convive malgracieux expose avec un humour destructeur le mensonge, la bêtise et la laideur de la société moderne. |
 | Mael, 01.11.2012 à 16:25 | 347447 |
|  |  | Vu sur le blog de Cornélius :
"Les carnets de dessins de Crumb vont être réédités prochainement en deux coffrets de 6 volumes par Taschen. Chaque coffret sera limité à 1000 exemplaires et coûtera… 750 euros. C'est ça le commerce." |
 | |  |  | Bah, c'est plus un sentiment qu'un truc qui ressortirait d'une analyse; le fait que les deux creusent inlassablement une Amérique essentiellement américaine (ce par quoi elle s'oppose symboliquement à l'Europe), non-intellectuelle, rurale ou bien banlieues toujours identiques, à travers plusieurs aspects comme la musique (des années 20 à 50), le puritanisme et les frustrations et perversions sexuelles qui peuvent en découler, le mysticisme, la monstruosité exhibée. Le fait qu'ils utilisent tous deux une imagerie particulière, très forte, sortie directement de cette Amérique. La déconstruction narrative, graphique qui se produit du fait qu'ils retournent toujours aux mêmes sources, qu'ils labourent les mêmes terrains.
Mais ce n'est pas parce qu'ils sont quintessentiellement amricains que l'on doit se sentir exclus si l'on n'est pas dans ce monde, au contraire, ils vont tellement profond dans ce qui les constitue qu'ils touchent à l'universel (désolé pour le cliché). |
 | |  |  | ingweil : | Crumb et Lynch ? Ah ouais, j'avais pas vu ça.
Si tu peux développer cet aspect-là, je suis preneur. |
à cause des lapins de Inland EMPIRE ? |
 | |  |  | Crumb et Lynch ? Ah ouais, j'avais pas vu ça.
Si tu peux développer cet aspect-là, je suis preneur. |
 | |  |  | Aba Sourdi : | Je ne comprends pas comment on peut rester si appliqué quand on souhaite être déglingué. |
Aba Sourdi : | ...Et même pour l'aspect "chronique sociale" il me semble beaucoup plus cohérent d'utiliser un trait énergique et violent | Cela me semble très simplet comme point de vue (et comme je ne veux pas être trop désobligeant, je ne développerai pas, ni ne citerai d'exemple).
Aba Sourdi : | Mais je n'ai peut-être pas parlé de l'essentiel : toutes les BD référentielles à la culture Disney and Co, de Crumb à Winshluss, me laissent froid car je n'ai pas du tout ces références. | Cela me semble également très loin d'être l'essentiel. Je trouve très intéressant l'axe de lecture développé par Allister Baudin, car il montre aussi qu'au dela des références disneyennes la déconstruction opérée graphiquement par Crumb (dans les années 60, au même moment qu'une telle déconstruction se faisait intellectuellement en France - Aba Sourdi, tu colleras toi-même les références philosophiques ad-hoc, toi qui en réclamais) peut aussi se lire et s'apprécier même en n'ayant lu que du franco-belge, tellement celui-ci est innervé de B.D. animalière plus (Calvo, Trondheim) ou moins (Macherot, De Crecy) disneyenne et surtout, comme l'écrit Allister Baudin, dans des univers souriants.
Là ou je suis en désaccord avec lui, c'est quand il récuse l'adjectif riche. En effet, outre de B.D. animalière, les B.D. de Crumb sont profondément nourries d'"americanas" et de fantastique, et si je devais nommer un frère à Crumb, ce serait David Lynch, tant leurs univers ont en commun (y compris dans les obsessions musicales, même si celles-ci sont différentes) |
 | |  |  | (j'ai oublié une négation) :
Mon dernier paragraphe était evidemment caricatural, et je n'ai pas dit que ne pas aimer Crumb supposait qu'on corresponde aux quelques attitudes que j'ai relevé à coup de gros raccourcis. |
 | |  |  | InternalLobster : |
N'aimant pas Crumb, je me demande dans quelle catégorie me range Allister Baudin: dessinateur de bandes dessinées conventionnelle? ignorant? lecteur de BD ayant découvert la BD sur le tard? Ou intellectuel?
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Mon dernier paragraphe était evidemment caricatural, et je n'ai pas dit qu'aimer Crumb supposait qu'on corresponde aux quelques attitudes que j'ai relevé à coup de gros raccourcis. |
 | |  |  | Aba Sourdi : | Mais je n'ai peut-être pas parlé de l'essentiel : toutes les BD référentielles à la culture Disney and Co, de Crumb à Winshluss, me laissent froid car je n'ai pas du tout ces références. |
Pas sûr que ça ait un rapport, petit j'étais abonné au Journal de Mickey, je lisais les Mickey parade et les Picsou magazine et ces BD dont tu parles me laissent froid également. En même temps Trondheim a une forte influence de Carl Barks et l'univers Donald et je suis client (mais le talent de Lewis est plus dans son esprit que dans son dessin, et son esprit est moins Disney que Woody Allen par exemple).
Petit je lisais aussi Pif, Tintin, Astérix ou Strange, alors je capte la plupart des références, mais ce n'est pas pour ça qu'on y adhère.
N'aimant pas Crumb, je me demande dans quelle catégorie me range Allister Baudin: dessinateur de bandes dessinées conventionnelle? ignorant? lecteur de BD ayant découvert la BD sur le tard? Ou intellectuel?
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 | |  |  | ...Et même pour l'aspect "chronique sociale" il me semble beaucoup plus cohérent d'utiliser un trait énergique et violent, comme Reiser par exemple (bizarrement moins honoré dans le milieu de la BD indépendante !).
Mais je n'ai peut-être pas parlé de l'essentiel : toutes les BD référentielles à la culture Disney and Co, de Crumb à Winshluss, me laissent froid car je n'ai pas du tout ces références. La seule référence classique que j'ai c'est Hergé. (...ce qui explique sûrement pourquoi le seul auteur vraiment référentiel dont je suis fan est Swarte !)
N'avoir pas lu de BD classique, être passé directement de Tintin à Trondheim, est sûrement l'un de mes plus gros handicaps car cela me coupe de tout un pan que je ne comprends absolument pas et donc qui me tombe des mains. Voilà pourquoi il me semble quand même intéressant d'éviter le plus possible les références populaires que tout le monde n'a pas (et que quand on ne les a pas on est trop vieux pour avoir envie de les avoir, contrairement aux références intellectuelles que l'on peut souhaiter découvrir à tout âge). |
 | |  |  | La base de mon problème avec Crumb est tout simple : je ne ressens rien dans son trait, je le trouve très sage, très propre. (Je parle bien de son trait et pas des choses qu'il représente avec, vous me suivez.)
Autant quand je vois un trait de Menu ou de Konture ou de Sfar ou de Blanquet je suis tout entier dans leurs cerveaux torturés, ça vibre, ça me fait quelque chose, autant chez Crumb je vois un travail bien fait, bien hachuré, bien proportionné sans que rien ne me touche. Il n'est pas le seul, je retrouve ce côté trop sage chez beaucoup de dessinateurs, souvent américains, même et surtout quand ils racontent des choses un peu tordues. Je ne comprends pas comment on peut rester si appliqué quand on souhaite être déglingué. On peut jouer sur ce décalage cinq minutes, okay, mais sur des tonnes et des tonnes de pages c'est un peu lassant.
Soudainement je pense à Olivier Josso, jadis très sage mais qui avec "Au travail" éclate enfin. Voilà, j'aimerais que Crumb, Clowes ou Burns fassent leur "Au travail", chose qui me semble plus difficile au sein de la culture américaine, plus stantardisée (même la contre-culture !), plutôt qu'au sein de la vieille Europe tout feu tout flammes. |
 | |  |  | Aba Sourdi : | phicil : | Le dessin de Crumb est d'une richesse et d'une beauté extremes. Ce n'est pas pour rien qu'on retrouve encore son style dans celui de Mattt Konture, Blanquet, Sfar, Menu et même Blain (si, si, il l'a dit lui même). |
Ce n'est pas un argument de valeur, ça. Moebius a malheureusement influencé des tonnes de dessinateurs lourdingues. Crumb en a influencé des bons, tant mieux, mais ce n'est pas pour ça que leurs talents respectifs sont dans son oeuvre à lui. De la même manière, ce n'est parce que les Carottes de Patagonie sont un livre important que c'est un bon livre. "Raison d'état" de Ronald Grandpey est mille fois mieux dans l'esprit, alors qu'il n'aurait pas pu être possible sans le premier. |
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phicil : | Le dessin de Crumb est d'une richesse et d'une beauté extremes. |
Avis péremptoire. Moi je pense que le dessin de Crumb est d'une pauvreté et d'une laideur extremes. Et contrairement à Sfar je ne lui reconnais aucune inventivité. Le fait qu'il soit réac (il le revendique donc lui-même) n'a pas grand-chose à voir là-dedans. |
Cette citation est issue de la chronique de Davram, mon pseudo quand j’étais adolescent. J’ai écrit cette chronique quand j’avais 16 ans, il y a sept ans. Evidemment, mes arguments étaient peu développés. Ma culture graphique se limitait aux auteurs de bande dessinée contemporains.
Je reconnais que l’argument était très léger, mais je n’avais que ça comme bagage conceptuel à l’époque. Je lisais Mattt Konture, je lisais Blanquet, je lisais Blain, je lisais Sfar. Je cherchais à connaître leur influence. Je découvre Crumb. Pourquoi l’ai-je aimé au premier abord ? Et bien, premièrement, pour ces mauvaises raisons : les auteurs que j’aimais disaient l’aimer. Mon admiration pour ceux-là me faisait adhérer à un argument d’autorité rapide, je l’avoue. Deuxièmement, j’aimais aussi Crumb parce que, sans le savoir, je retrouvais en lui des visages, des postures, et parfois des ressorts issus des bandes dessinées de mon enfance : les Picsou de Carl Barks que je lisais dans Picsou Magazine. On a donc, pour l’adolescent que j’étais, deux raisons extrinsèques qui m’ont fait adhérer à Crumb : en amont, ceux qu’il a influencé, et en aval, ceux qui l’ont précédé et qu’on reconnait chez lui (je n’utilise pas le mot influence : la reprise de l’imagerie du Picsou de Carl Barks est moins une influence qu’un motif qui touche à quelque chose de plus profond). Deux raisons extrinsèques que ce cher Abasourdi pourra balayer en ayant à moitié raison en disant qu’on ne peut juger une œuvre en se basant uniquement sur ce qui l’inspire et sur ses effets.
La faiblesse de l’argument étant reconnue, je dois maintenant noter ceci.
Ton argument, Abasourdi, est le suivant :
- Crumb a influencé des bons dessinateurs.
- Moebius en a influencé de mauvais, et pourtant il est bon.
- Un livre sans qualité peut avoir des effets de qualité. De même, un auteur sans qualité peut avoir des effets de qualité, et à l’inverse un auteur avec des qualités peut avoir des effets sans qualités.
Tu mélanges certaines choses. Mon argument de l’époque n’était pas qu’il fallait juger un auteur à l’aune de ceux qu’il a influencé, et je ne reportais pas les qualités de Blain, Sfar, etc. sur Crumb. De même, je ne disais pas que Crumb avait eu des effets uniquement positifs (on pourrait citer un grand nombre d’auteurs mauvais influencés par Crumb, et un grand nombre de bons auteurs influencés par Moebius, ce n’est tout simplement pas le propos).
Ma seule idée était que le dessin de Crumb était riche (d’où l’utilisation du mot…richesse, que tu aurais pu relever, enfin, c’est toujours un effort de lire n’est-ce pas ?), assez riche (en fait, ce mot est tout à fait inadéquat, mais comme je suis obligé de reprendre le vocabulaire que j’utilisais il y a sept ans…) pour qu’il puisse être une source pour des auteurs aussi différents (c’est sur ça qu’on insiste) que Blanquet ou Sfar (on pourrait parler, pour accentuer l’écart, de Ware et Mattt Konture –tous deux influencés- aucuns rapports entre eux). Une nouvelle fois, j’accorde que mon argument était faible, mais il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit, même si c’était il y a sept ans. L’idée même de qualité n’entrait pas en ligne de compte, seule celle de variété, de divers, de multiplicité. Pour ton analogie avec le livre de Trondheim, personne pour qui j’ai une certaine admiration, je pense qu’il va falloir qu’il se lève tôt pour faire un ouvrage qui puisse nourrir des œuvres antagonistes.
Si je reprenais mon argument aujourd’hui, je ne dirais pas que c’est parce que le dessin de Crumb a influencé de nombreux auteurs différents qu’il est riche. En revanche, je dirai que la diversité des auteurs qu’il a pu nourrir est un indice, un signe seulement, de la richesse de son dessin. L’avis n’était pas péremptoire, il était insuffisant, mais tout de même illustré. Mais ce signe de sa diversité, toute considération qualitative mise à part, devrait t'encourager à explorer l'oeuvre plus sérieusement.
Si je devais parler de ce que j'aime chez Crumb, je ne parlerais plus que de ceux qui l’ont influencé (et non de ceux qu'il a influencé), à ce détail près que je ne parlerais plus d’influence (comme de ce qui lie deux démarches artistiques proches) : les influences (dans la démarche) de Crumb sont à chercher du côté de Mad, et je vais laisser ça de côté. En revanche, les motifs dont il se sert sont extraordinaires, et se retrouvent en grande partie dans la bande dessinée populaire, chez Barks, chez Walt Kelly, chez les Dell comics. Ces motifs qui sont ceux de la bande dessinée standardisée pour enfants des années 50 (personnages à têtes de souris, de canard, d’oiseaux // cases tracées, bulles) sont interrogés par Crumb. Crumb les reprend et révèle en eux ce qu’on ne voyait pas –ou qu’on ne soulignait pas- quand on les lisait enfant : leur violence, leur manque de morale, leurs perversions. Certains (dont certains de ses suiveurs « underground ») voient un peu trop vite une parodie quand Crumb montre des personnages mignons tous droits sortis des Terry Toons en train de se lancer dans les pires crimes et perversions sexuelles. Ce n’est pas une parodie. On n'est plus dans l'influence, mais dans une réflexion sur les motifs : les figures extérieures de Mickey, Bimbo, etc, sont le nerf de l'intériorité d'une grande partie l'oeuvre de Crumb par laquelle il faut l'apparenter à Kim Deitch.
L’Amérique de Mickey Mouse, de ses premiers cartoons, les bandes dessinées de Donald, quand on les regarde avec un regard d’adulte, nous montrent que les personnages en qui on avait confiance et qu’on adorait pratiquaient une grande violence. Mickey torture des animaux dans ses premiers dessins animés, Donald le canard tombe amoureux d’une femme humaine (« Dangerous Disguise », de Barks), etc. Comment avait-on pu lire ça sans être choqué, sans voir la haine et les difficultés de ces personnages ? Le jugement de Crumb n’est pas moralisateur : on pouvait lire ça parce que ces personnages avaient un côté joyeux, toujours souriant et heureux malgré tout, et qu’on pouvait alors en dernière analyse accorder nous-mêmes notre confiance en notre entourage sans que les violences (économiques, morales..) qui les entouraient nous paraissent étranges. Les figures joyeuses des héros populaires de notre jeunesse étaient le voile de leur attitude choquante et, à rebours, d’un monde auquel on est porté à croire lorsqu’on est enfant. Ils nous ont sauvé (et il faut voir le documentaire de Terry Zwigoff, « Crumb », pour comprendre que la bande dessinée était le lien qui permettait à Crumb de survivre enfant, et de tisser un lien humain avec son frère, alors même que leur père ne les reconnaissait pas).
Je me retrouve dans le lien que Crumb fait entre la bande dessinée et l’enfance. Ce lien ne peut être que désillusionné, "réactionnaire" comme vous dites, et nostalgique, et il justifie ce qu’on pourrait appeler certains aspects conservateurs de l’œuvre de Crumb. J’aime le procès qu’il nous révèle, au sens judiciaire, pour pointer du doigt notre confiance gratuite en ces personnages de bande dessinée tordus, mais aussi au sens de « processus », pour nous montrer comment dépasser l’enfance de la bande dessinée et notre enfance. Mickey Mouse, Bimbo, Horace, leur violence révélée pour l'adulte qui les relit, révèle la violence du monde qu'on ne remarquait pas, enfant. J’aime qu’il le fasse en bande dessinée, ce qui nous permet encore d’en lire.
Ce n’est qu’un aspect de l’œuvre de Crumb. A ce « conservatisme » qui consiste à reprendre les figures éprouvées de notre enfance (Mickey Mouse, Bimbo, Horace, etc.) et les formes qu’elles épousaient (cases, bulles, etc.) une autre partie de son œuvre consiste à se demander comment, après avoir regardé en face ces personnages, et ces standards, on peut encore faire de la bande dessinée.
Maintenant que le prisme confiant de notre enfance a disparu, comment faire pour parler encore en bande dessinée ? Toute une autre partie de l’œuvre de Crumb consistera à exploser les codes et les formes, à trouver de nouveaux motifs (ex : « Cubist Be Bop Comics »). Je lis son « No Way Out » (taper « No Way Out Crumb » sur google image pour voir ce dont je parle) comme un malaise fondamental devant ces motifs standard que sont les cases, qui renvoient aux bandes dessinées standard qu’on lisait enfant et qui font écho médiatement à ce qu’on ne voulait pas voir alors et qu’on ne veut plus analyser aujourd’hui.
Mon analyse n’est, un fois de plus, que partielle ( je laisse ici de côté toute une part de l’œuvre de Crumb qui tend à revenir vers une bande dessinée standardisée formellement, mais cette fois en épousant les motifs du réalisme des comics policiers des années 40 – quant à sa Genèse, elle s’inscrit à mon sens dans la même logique de mise en en rapport entre l’art populaire du XXè et l’enfance, il faut la lire avec sur les genoux l’album qui reprend les dessins qu’il a fait…enfant, en particulier « Noah’s Ark », dessiné en 1958 Cf Fantagraphics Complete Crumb t.1) , mais elle exprime comment on peut se sentir ému devant le trait tremblant, les figures sombres des personnages riant, et les délires d’un auteur qui ne saurait de toutes les manières être réduit au discours qu’on tient sur lui, à une mode, ou aux jugements de ceux qui ne questionnent pas la forme de l’art qu’ils pratiquent.
Les dessinateurs de bandes dessinées conventionnelles dénoncent Crumb parce qu’ils n’ont pas pu sortir de l’enfance. Les ignorants dénoncent Crumb parce qu’ils ne comprennent pas que son geste fondamental –lier la parodie de Mad avec des motifs qui appellent à dépasser l’état parodique pour toucher une réalité brutale- était un geste fondamental pour la bande dessinée et ses lecteurs. Les hipsters aiment Crumb parce qu’ils y voient un moyen de dénoncer le politiquement correct, alors que Crumb montre ce qu’il y a de politiquement incorrect dans le politiquement correct. Les lecteurs de bande dessinée qui ont découvert la bande dessinée sur le tard avec les auteurs européens contemporains ne comprennent pas Crumb parce qu’ils n’ont pas découvert la bande dessinée dans leur enfance (ils ne doivent pas comprendre Ware non plus, en tout cas, pas selon cette grille d’analyse). Les intellectuels ne comprennent pas Crumb parce qu’ils ne veulent pas se lancer à corps perdu dans ses sources populaires. Bref, ce n’est pas étonnant que Crumb vous tombe des mains.
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 | |  |  | crepp : | quand je lis qu'untel était réac ou que l'autre était de même, je me pose une petite question : est ce l'idée que vous vous faites de l'auteur (donc ici Crumb) qui fait que vous ne pouvez encadrer son oeuvre ? Donc peut on séparer l'homme de l'oeuvre ? |
On peut faire la part des choses. Greg était un gros facho, soit,pour juger son oeuvre il faudrait déjà pouvoir séparer ses plagiats (bien 80% de ce qu'il a signé) de ses propres créations. C'était un petit faiseur, son meilleur rôle était celui de script-doctor, quand il aidait Franquin à se dépatouiller de ses Spirou, mais c'est le talent de Franquin qui faisait tout.
phicil : | Le dessin de Crumb est d'une richesse et d'une beauté extremes. |
Avis péremptoire. Moi je pense que le dessin de Crumb est d'une pauvreté et d'une laideur extremes. Et contrairement à Sfar je ne lui reconnais aucune inventivité. Le fait qu'il soit réac (il le revendique donc lui-même) n'a pas grand-chose à voir là-dedans.
Hergé était un réac, un réac honteux d'ailleurs, il a passé les 25 dernières années de sa vie à vouloir se faire passer pour un type ouvert, humaniste, limite de gauche, mais le verni ne tenait pas longtemps. Malgré tout son oeuvre est formidable.
Aba Sourdi : | De la même manière, ce n'est parce que les Carottes de Patagonie sont un livre important que c'est un bon livre. |
Marrant ça, je trouve justement que les Carottes de Patagonie n'est pas un livre important mais que c'est un bon livre (enfin, il doit être important pour Lewis lui-même, mais c'est tout).
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 | |  |  | phicil : | Le dessin de Crumb est d'une richesse et d'une beauté extremes. Ce n'est pas pour rien qu'on retrouve encore son style dans celui de Mattt Konture, Blanquet, Sfar, Menu et même Blain (si, si, il l'a dit lui même). |
Ce n'est pas un argument de valeur, ça. Moebius a malheureusement influencé des tonnes de dessinateurs lourdingues. Crumb en a influencé des bons, tant mieux, mais ce n'est pas pour ça que leurs talents respectifs sont dans son oeuvre à lui. De la même manière, ce n'est parce que les Carottes de Patagonie sont un livre important que c'est un bon livre. "Raison d'état" de Ronald Grandpey est mille fois mieux dans l'esprit, alors qu'il n'aurait pas pu être possible sans le premier. |
 | crepp, 31.05.2012 à 8:16 | 344815 |
|  |  | quand je lis qu'untel était réac ou que l'autre était de même, je me pose une petite question : est ce l'idée que vous vous faites de l'auteur (donc ici Crumb) qui fait que vous ne pouvez encadrer son oeuvre ? Donc peut on séparer l'homme de l'oeuvre ? |
 | SydN, 30.05.2012 à 23:23 | 344813 |
|  |  | Je suis assez d'accord avec Sfar à propos du dessin de Crumb, même s'il dérive un peu avec ses élans poétiques habituels. C'est un peu ce que je voulais dire, sans avoir développé, quand je parlais de dessin "intéressant" (ce qui, je l'accorde, ne veux pas dire grand chose en soit).
Après, ce n'est pas ce qui m'attire le plus en dessin, très loin de là, les goûts interviennent souvent de façon indéfinissables. Et là, ça me fascine pas, voilà tout. |
 | SeBso, 30.05.2012 à 23:17 | 344812 |
|  |  | SydN : | Mais j'ai tenté à 3 reprises Fritz the cat, considéré comme certains comme un de ses chefs d'oeuvre, ça me tombe des mains... |
Personnellement, je trouve que Crumb se bonifie avec le temps, en particulier au niveau du dessin. En conséquence je trouve ses bandes dessinées des années 1960, dont Fritz the Cat, moins intéressantes que ce qu'il a produit par la suite. Ces bandes déjà anciennes ont indénniablement une importance sociologique et historique mais, d'un point de vue artistique, elles me semblent inférieures à ce qu'il a dessiné après. Mes récits préférés sont donc ceux de la fin des années 1980 et des années 1990. Sa critique du libéralisme y est toujours d'actualité et son dessin est au top. |
 | |  |  | Greg en réac il s'y connaissait, il a dû voir en Crumb de la concurrence.
Sfar peut tout dire et son contraire avec la même sincérité, il peut même se contredire dans le même texte en ayant l'air de retomber sur ses pattes. |
 | phicil, 30.05.2012 à 22:39 | 344807 |
|  |  | il y a une critique de Davram sur Amerika , qui résume ce que pour ma part je ressent plus ou moins, avec un citation de Sfar, qui, sur ce coup la était a cet époque assez juste, je trouve (quand Greg avait attaqué la présence de Crumb a Angoulème, je crois). Le fait que Crumb regarde, (ou regardais) sans intermediaire son amérique, celle qui lui avait causé tous ses maux, c'etait une vision pur et acide de la société américaine. Je ne vois pas trop Crumb comme un raconteur d'histoires, dans le genre scénariste qui raconte en inventant, mais plus comme quelqu'un qui recrachais du pur jus acide sur la société qui l'avait crée etc..
"... Les histoires regroupées dans cet album attaquent et critiquent une société dans laquelle Crumb semble être un ovni. Des histoires assez pessimistes dans lesquelles les êtres humains sont caricaturés à l'extreme et où tous semblent avoir des projets aussi idiots que mauvais. Dans ces histoires, Crumb se qualifie plusieurs fois de "vieux réac", mais faute n'est pas de constater que tous les points qu'il surligne sont pourtant toujours d'actualité.
Des histoires qui vont de l'anecdote marrante et idiote à la dénonciation des clichés qui règnent dans la tête des américains (il y a deux histoires particulierement violentes dans lesquelles tous les préjugés racistes des américains sont dénoncés implicitement... tellement implicitement qu'un groupuscule néo-nazi américain a cru un moment que l'auteur de Fritz the cat était de leur côté).
Passons maintenant au dessin... Le dessin de Crumb est d'une richesse et d'une beauté extremes. Ce n'est pas pour rien qu'on retrouve encore son style dans celui de Mattt Konture, Blanquet, Sfar, Menu et même Blain (si, si, il l'a dit lui même). D'ailleurs, en 1999, lorsque Greg attaquait le graphisme de Crumb et ses scénario suite à la nomination de celui-ci au grand prix d'angoulème, Sfar dira :
" Moi, je sais que la plupart de mes copains ne dessineraient pas comme ils dessinent s'il n'y avait pas eu Robert Crumb. En tout cas, en ce qui concerne Christophe Blain et moi, c'est indéniable. Attention, la bande dessinée invente très peu de formes, elle se borne souvent à redire les innovations de la littérature, du cinéma, de la peinture et de l'imagerie populaire. Si on regarde avec un peu de distance, on voit que Crumb est un des rares à inventer ou du moins à tirer la substance de ses dessins d'un contact direct avec le réel, sans le truchement d'un média autre que l'oeil, le crayon et le cerveau. En tout cas, s'il n'invente pas, il dégage l'essentiel de l'environnement visuel et sonore du siècle et peut être même littéraire bordel. Il ramasse des têtes de dessins animés des studios Fleischer et de chez Disney, des étiquettes de ketchup, des pochettes de disques, des albums de photos de classe, des voitures, des chaussures de filles, des forêts de poteaux électriques, des rues et de la musique."
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 | SydN, 30.05.2012 à 21:06 | 344803 |
|  |  | InternalLobster : | Ah ah! Enfoiré! |
:)
je n'en attendais pas moins :p
Sinon à titre perso, je ne suis pas fan de Crumb, ça me tombe également un peu des mains, même si je peux comprendre son culte remis dans son contexte. Peut-être n'ai-je pas lu les bons... Mais j'ai tenté à 3 reprises Fritz the cat, considéré comme certains comme un de ses chefs d'oeuvre, ça me tombe des mains...
Je dois préciser que ce n'est pas à cause de son dessin, que je trouve quand même interessant, même si ça n'est pas trop mon truc...
Mais je dois avouer que je ne suis pas fan non plus d'Internal Lobster. Aïe. |
 | |  |  | Allister Baudin : | Bon, je ne vais pas entrer dans le débat, mais il est triste de voir qu'il a eu pour effet d'enlever les majuscules du nom "CRUMB" dans le sujet, qui rappelaient l'effet massif que Crumb peut avoir pour certains de ses lecteurs. Je vote pour un rétablissement de ces majuscules. |
Il a toutes ses majuscules dans le Monochat! |
 | longg, 30.05.2012 à 19:05 | 344798 |
|  |  | SydN : | longg : | InternalLobster : | Et en général je fais ce que je peux. |
Ok, non parce que c'est chaud hein de catégoriser et tirer à boulets rouges sur les bons dessinateurs étant soi même mauvais dessinateur! |
rhô comme tu y vas ... |
Dis donc. |
 | |  |  | Bon, je ne vais pas entrer dans le débat, mais il est triste de voir qu'il a eu pour effet d'enlever les majuscules du nom "CRUMB" dans le sujet, qui rappelaient l'effet massif que Crumb peut avoir pour certains de ses lecteurs. Je vote pour un rétablissement de ces majuscules. |
 | SydN, 30.05.2012 à 18:30 | 344795 |
|  |  | longg : | InternalLobster : | Et en général je fais ce que je peux. |
Ok, non parce que c'est chaud hein de catégoriser et tirer à boulets rouges sur les bons dessinateurs étant soi même mauvais dessinateur! |
rhô comme tu y vas ... |
 | |  |  | longg : | InternalLobster : | Et en général je fais ce que je peux. |
Ok, non parce que c'est chaud hein de catégoriser et tirer à boulets rouges sur les dessinateurs étant soi même dessinateur! |
Mais pourquoi se géner, après tout on est les mieux placés pour juger. |
 | longg, 30.05.2012 à 17:07 | 344793 |
|  |  | InternalLobster : | Et en général je fais ce que je peux. |
Ok, non parce que c'est chaud hein de catégoriser et tirer à boulets rouges sur les dessinateurs étant soi même dessinateur! |
 | |  |  | longg : | InternalLobster : |
Il n'y a pas plus suivistes, chapelle et conservateurs que les soit-disant underground. Ils refont toujours ce qu'ils ont vu ailleurs, ça donne ce maelstrom sous-genre fanzine punk, ils ressassent les mêmes tics graphiques depuis des années, ils ne valent pas mieux que les sous-Franquin à la con de chez Bamboo. |
Et toi, tu te places où là dedans? Je viens d'aller faire un tour sur ton site et j'ai vu tes dessins...
Ça m'intéresse.
PS : les réponses "je ne suis d'aucun classement" ou "je suis un électron libre" sont considérées comme nulles, évidemment. |
Je ne me suis jamais classé dans l'underground. En BD je bouffe à tous les rateliers et en dessin de presse j'ai tout pompé sur Ronald Searle. Et en général je fais ce que je peux. |
 | |  |  | Charlie Brown : | Aba Sourdi : | Bon, en fait je me suis répondu à moi-même. Vous n'êtes donc pas obligés de me conseiller des livres, c'est sûrement sans espoir. |
Oui, ça me semble effectivement sans espoir. :o)
Mais seulement parce que ça m’a tout l’air d’être lié à ton antiaméricanisme primaire, assumé comme tel.
Ça doit être une question de parcours, culturel et intellectuel. |
j'ai quand même un peu de mal avec l'idée de rejet presque systématique de toute production culturelle d'un pays sur la seule base de l'appartenance géographique. A vrai dire, je me pose rareùment la question de savoir d'où vient un auteur, mais je me
Ce qui est frappant avec Crumb, c'est que c'est le prototype du produit faussement étiqueté. C'est un symbole de la contre-culture alors qu'il est paradoxalement contre la contre culture, d'une certaine manière. Un vieux réac passéiste assumé, en fait.
Je me rappelle de sa page 'Keep On Trucking' qui est, de son propre aveu, mal comprise et à laquelle on a fait dire le contraire de ce qu'il voulait exprimer. Elle fut prise au premier degré alors qu'il voulait justement moquer cette posture

il y avait une planche dans laquelle il l'explique (dans Mr Nostalgia ?), pas retropuvé mais j'ai rtrouyvé un scan pourri d'une autre planche il parodie KOT

Je me demande si le succès de Crumb ne vient pas en partie de la jouissance un peu sadique et voyeuriste que nous avons d'assister à l'autoflagellation des autres. Que serait Woody Allen, le juif auto-haissant (je ne sais plus dans quel film son personnage se définit ainsi), sans cette autodénigrement méchant mais pas bête ? On aime voir les autres se trainer dans la boue, cela nous évite de la faire nous-même. Si en plus c'est fait avec esprit et talent.
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 | longg, 30.05.2012 à 13:53 | 344788 |
|  |  | Charlie Brown : |
Si un amateur de Crumb ayant une expérience ou une approche radicalement différente de la mienne peut témoigner de son admiration pour l’oeuvre crumbienne, je serais ravi qu’il/elle en fasse part. |
Hélas non, pas mieux. Tu as très bien résumé pourquoi j'aime Crumb, au delà de la virtuosité de son trait.
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 | longg, 30.05.2012 à 13:32 | 344787 |
|  |  | InternalLobster : |
Il n'y a pas plus suivistes, chapelle et conservateurs que les soit-disant underground. Ils refont toujours ce qu'ils ont vu ailleurs, ça donne ce maelstrom sous-genre fanzine punk, ils ressassent les mêmes tics graphiques depuis des années, ils ne valent pas mieux que les sous-Franquin à la con de chez Bamboo. |
Et toi, tu te places où là dedans? Je viens d'aller faire un tour sur ton site et j'ai vu tes dessins...
Ça m'intéresse.
PS : les réponses "je ne suis d'aucun classement" ou "je suis un électron libre" sont considérées comme nulles, évidemment. |
 | Anoeta, 29.05.2012 à 20:47 | 344785 |
|  |  | Aba Sourdi : |
Vous pouvez donc définitivement me ranger dans les anti-américanistes primaires maladifs.) |
Ca te fait un point commun avec Crumb !
Je suis assez d'accord avec l'approche de Charlie Brown.
Je te conseille "Sans Issue" ou il caricature l'américain moyen, blanc, raciste, impérialiste et coincé du cul. De ce point de vue, il me semble difficile de dire que Crumb est réac'.
Par contre côté gout, c'est une personne très rétro qui admire le jazz noir américain des années 30 à 50. Il chambre ouvertement Hendryx et déteste Iggy Pop. Mister Nostalgia résume bien son approche de la culture : c'était mieux avant.
Ses délires cul pur et dur à la Snoid c'est moins mon truc, ça a un peu vieilli mais pour l'époque ça reste à part.
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 | |  |  | Aba Sourdi : | Bon, en fait je me suis répondu à moi-même. Vous n'êtes donc pas obligés de me conseiller des livres, c'est sûrement sans espoir. |
Oui, ça me semble effectivement sans espoir. :o)
Mais seulement parce que ça m’a tout l’air d’être lié à ton antiaméricanisme primaire, assumé comme tel.
Ça doit être une question de parcours, culturel et intellectuel.
Si je prends mon cas, la culture américaine en général et la contre-culture américaine en particulier ont constitué une des planches de salut de ma jeunesse et font partie intégrante de ce que je suis.
Dès 15 ans, au beau milieu des horribles, froides et mercantiles années 80, j’ai pris une claque en découvrant les années 60 anglaises et américaines, intimement liées. Une claque musicale avant tout, mais pas que. J’ai exploré tout ce que j’ai pu trouver à l’époque, à hauteur de mes petits moyens et du peu de choses disponibles. Musicalement, cinématographiquement, plastiquement, culturellement. Je me suis senti, entre 15 et 25 ans au moins, totalement en phase avec la contre-culture (devenue culture tout court) anglaise et américaine de la décennie 1963-1973, je me suis découvert et reconnu dans ce miroir déformant et fantasmé. Et Crumb en fait partie, bien évidemment.
Eisner, Schulz, Crumb et Spiegelman sont pour moi, chacun dans leur genre, des pères fondateurs. A la fois les pierres angulaires et le socle sur lesquels repose ma culture BD non franco-belge. Depuis, je garde toujours un oeil sur ce qui vient d’Amérique du Nord, et je me suis senti en phase, dès la fin des années 90, avec Clowes, Ware, Seth, Brown, Matt, Tomine, etc... et ça continue encore aujourd’hui...
Ce que j’aime chez Crumb, si ça peut donner des pistes d’explication, est résumé dans mon petit laius sur Mes problèmes avec les femmes, que je recolle ici :
Charlie Brown : | 
C'est seulement le troisième tome de l'Anthologie Crumb que je lis (sur la dizaine que nous propose pour l'instant le beau travail de Cornélius), après Mister Nostalgia et Sans issue, et je suis toujours admiratif ! Et pas que pour la virtuosité du dessin, l'angle de vue et l'intelligence du propos ou la mise en scène impeccable.
Cette capacité à racler ses "pires" (enfin non, y'a bien pire que ça, mais quand même...) "déviances" mentales conscientes et inconscientes, maladives même, et à les exposer, les exhiber, sans jamais tomber dans le glauque et en assumant le pathétique de la chose, vous, je sais pas, mais moi, ça me scie à la base ! Surtout dans ce volume. Un modèle du genre. De l'introspection et de l'auto-analyse qui touchent à l'universel (et c'est pas donné à tout le monde de réussir ce tour de force a priori évident), combinées à un humour féroce bourré d'auto-dérision, ce qui fait qu'on n'est jamais mal à l'aise bien longtemps en face des trucs énormes que nous expose ce grand malade (pas si malade) qu'est Robert Crumb. |
Après, je suppose qu’on peut aussi aimer Crumb sans tout ce background culturel, mais ça me paraît plus difficile.
Si un amateur de Crumb ayant une expérience ou une approche radicalement différente de la mienne peut témoigner de son admiration pour l’oeuvre crumbienne, je serais ravi qu’il/elle en fasse part. |
 | Xavier, 29.05.2012 à 14:27 | 344781 |
|  |  | Cobalt 60 : | D'ailleurs, quand il adapte la genèse, il s'en tient prudemment au texte d'origine. Ce que j’interprète comme un aveu d'impuissance à écrire des dialogues et à raconter une histoire et non comme un respect scrupuleux des textes. |
Oui, bon ça, c'est une analyse à la petite semaine qui dérape joyeusement dans le contre-sens. La préface (ou postface, je ne sais plus et je n'ai pas le bouquin sous la main) de Crumb à la Genèse est éclairante sur le sujet: Crumb, athée notoire, a voulu se pencher sur la Bible avec le respect le plus marqué, et a choisi d'en faire une mise en image qui n'altère en rien le texte originel.
Je suis très dubitatif sur l'intérêt du projet de la Genèse. Je le trouve intéressant dans le fait qu'il encourage à relire cette partie de la Bible, et de se rendre compte combien on est loin de la vision "Dieu est Amour" que l'on a généralement -- une vision expurgée des moments les plus trash. La violence de la Bible y ressort, si l'on veut.
Mais dire que Crumb s'est attaqué à la Bible pour éviter d'écrire des dialogues, ce sont des carabistouilles.
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 | le ppj, 29.05.2012 à 13:45 | 344780 |
|  |  | Cobalt 60 : | T'inquiète Aba, moi aussi Crumb me laisse perplexe. Si j'aime plutôt son dessin au point d'acheter les Cornélius uniquement pour lui, j'ai toujours trouvé ses histoires sans aucun intérêt. Ses dialogues plats et le premier degré de ses récits mal racontés me font bailler d'ennui.
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Dans un élan de solidarité, j'avoue que Crumb m'ennuie également. Cependant ce qui me lasse, c'est l'exploitation continue de cette frustration sexuelle. Ensuite tous les suiveurs comme Jo Matt .... |
 | SeBso, 29.05.2012 à 8:01 | 344777 |
|  |  | Cobalt 60 : |
D'ailleurs, quand il adapte la genèse, il s'en tient prudemment au texte d'origine. Ce que j’interprète comme un aveu d'impuissance à écrire des dialogues et à raconter une histoire et non comme un respect scrupuleux des textes. |
Je ne pense pas. Certaines écoles d'analyse de la Bible, notamment juives, considèrent l'ensemble de la Bible comme complètement sacré, à la fois le fond et la forme. De là découlent notamment certaines tentatives pour découvrir des secrets ésotériques en s'appuyant sur la suite de caractères de la Bible, en faisant meme abstraction du sens originel du texte. Dans cette optique, la Bible est tellement sacrée que tout y fait sens, meme l'anecdote apparemment futile, meme le simple enchainement des lettres. Je pense que Crumb, avec sa lecture littérale, reprenant meme les fastidieuses énumérations généalogiques, s'inscrit dans cette tradition... |
 | |  |  | T'inquiète Aba, moi aussi Crumb me laisse perplexe. Si j'aime plutôt son dessin au point d'acheter les Cornélius uniquement pour lui, j'ai toujours trouvé ses histoires sans aucun intérêt. Ses dialogues plats et le premier degré de ses récits mal racontés me font bailler d'ennui.
D'ailleurs, quand il adapte la genèse, il s'en tient prudemment au texte d'origine. Ce que j’interprète comme un aveu d'impuissance à écrire des dialogues et à raconter une histoire et non comme un respect scrupuleux des textes. Mais comme c'est Crumb, il faut bien se garder de le dire. Les médias, suiveurs comme toujours, n'ont pas perçu cet aspect de son travail ou feignent de l'ignorer.
Ou alors c'est moi qui suis dans l'erreur et dans ce cas, à vous lire, cela me console de ne pas être le seul dans ce cas. :-) |
 | |  |  | Ah oui exact, j'ai confusionné. D'ailleurs c'est vrai que ça ressemble à du Mandryka. |
 | Glotz, 29.05.2012 à 1:57 | 344774 |
|  |  | InternalLobster : | Aba Sourdi : | alors que pour Carali elle l'est quand même un peu moins (Carali très influencé par Mandryka à ses débuts, au point que ça en est confondant : http://lambiek.net/fr/carali.html ) |
Je ne trouve pas, bien que ce soit son frère. Le frère d'Uderzo ou ceux de Tabary ont bien plus été dans l'influence de leur frangin que Carali. Ce que j'aime de Carali ce sont ses pages de jeux dans les pif poche, j'y vois plus l'influence de Jacovitti par exemple (comme Bercovici à ses débuts). |
Non c'est le frère d'Édika. |
 | |  |  | Aba Sourdi : | alors que pour Carali elle l'est quand même un peu moins (Carali très influencé par Mandryka à ses débuts, au point que ça en est confondant : http://lambiek.net/fr/carali.html ) |
Je ne trouve pas, bien que ce soit son frère. Le frère d'Uderzo ou ceux de Tabary ont bien plus été dans l'influence de leur frangin que Carali. Ce que j'aime de Carali ce sont ses pages de jeux dans les pif poche, j'y vois plus l'influence de Jacovitti par exemple (comme Bercovici à ses débuts). |
 | |  |  | InternalLobster : | Il n'y a pas plus suivistes, chapelle et conservateurs que les soit-disant underground. Ils refont toujours ce qu'ils ont vu ailleurs, ça donne ce maelstrom sous-genre fanzine punk, ils ressassent les mêmes tics graphiques depuis des années, ils ne valent pas mieux que les sous-Franquin à la con de chez Bamboo. |
Tu exprimes violemment ce que je pense tout bas.
InternalLobster : | Sinon Menu c'est ni plus ni moins que du sous Carali en plus chiant et moins rigolo. |
Je vois ce que tu veux dire, car j'aime bien aussi Carali, mais il y a quelque chose que je trouve touchant chez Menu, quelque chose de davantage écorché, déstructuré, névrosé, bref Menu quoi ! Donc clairement moins rigolo, oui.
Dans la même famille graphique on ne parle jamais de Hunt Emerson alors que c'est vraiment chouette ce qu'il faisait. Et en plus c'est un anglais et pas un américain, bref tout pour plaire ! :)
D'ailleurs je pense que Menu a été encore plus influencé par Emerson que par Carali, en tout cas la ressemblance est frappante, alors que pour Carali elle l'est quand même un peu moins (Carali très influencé par Mandryka à ses débuts, au point que ça en est confondant : http://lambiek.net/fr/carali.html ) |
 | |  |  | Je suis bien d'accord pour Saul Steinberg, le pendant américain de Ronald Searle, mais on est loin de la BD.
Il n'y a pas plus suivistes, chapelle et conservateurs que les soit-disant underground. Ils refont toujours ce qu'ils ont vu ailleurs, ça donne ce maelstrom sous-genre fanzine punk, ils ressassent les mêmes tics graphiques depuis des années, ils ne valent pas mieux que les sous-Franquin à la con de chez Bamboo.
Sinon Menu c'est ni plus ni moins que du sous Carali en plus chiant et moins rigolo. |
 | |  |  | (...même si mon esprit pervers me souffle : "immigré roumain donc ça compte pas" !)
(...tout comme d'ailleurs le seul chanteur américain que j'écoute est immigré cubain ! authentique ! je fais pas exprès ! vous pouvez donc définitivement me ranger dans les anti-américanistes primaires maladifs.) |
 | |  |  | Pour mettre un peu de positif dans tout ce négatif : ce qui est paradoxal c'est que mon dessinateur préféré au monde est américain, comme quoi ! C'est Saul Steinberg. |
 | |  |  | Moebius pas toujours, je te l'accorde, et Boilet au-delà, je veux bien, mais désolé je n'arrive pas à voir le dessin de Crumb autrement que comme réaliste. Peut-être "semi-réaliste" mais c'est très bâtard comme terme, qu'est-ce exactement que le "semi" ? Il y a dans son trait quelque chose que je trouve figé et froid, comme chez beaucoup de dessinateurs américains (comme Clowes par exemple). C'est fou parce que j'ai été élevé avec des tonnes de dessinateurs qui le citaient en exemple, comme Konture et Menu, alors que ceux-ci ont un dessin mille fois plus vivant et inventif que lui. Voilà pourquoi je suis tombé des nues, j'ai l'impression d'avoir vécu dix ans de matraquage "Crumb c'est la référence si tu aimes l'underground", et tout ça pour ça ? C'est en grande partie à cause de lui que je conclue ces derniers temps "en fait je n'aime pas l'underground", alors que bien sûr que c'est à nuancer vu tous les auteurs que j'admire faisant partie de cette mouvance.
Excusez-moi, ça fait vraiment psychothérapie ces posts, mais c'est sincèrement très violent de se prendre ce genre de révélation dans la gueule, que le fameux dessinateur américain que l'on a attendu pendant des années de découvrir nous laisse si perplexe. |
 | |  |  | Aba Sourdi : | - Si je dois citer quatre auteurs reconnus avec qui j'ai beaucoup de mal, il me vient spontanément Crumb, Moebius, Neaud et Boilet, à savoir quatre réalistes ! C'est quand même pas anodin. |
Crumb ce n'est pas du tout un réaliste, et Moebius pas toujours, l'Incal oui ou le Garage mais sur l'étoile c'est plus de la ligne claire à la Hergé, le bandard fou c'est du dessin humoristique, comme les inside Moebius. Boilet c'est au delà du réaliste, c'est de la photo décalquée. |
 | |  |  | Je ne sais pas si on a la même vision de la mocheté, car je me souviens avoir lu que tu trouvais "Blotch" très moche aussi, alors que pour moi c'est dans ces pages que Blutch est à son summum graphique (bien que n'étant pas du tout fan non plus du monsieur).
Non, j'ai davantage l'impression que cette difficulté avec Crumb met en lumière mes deux gros blocages : le réalisme et l'Amérique.
- Si je dois citer quatre auteurs reconnus avec qui j'ai beaucoup de mal, il me vient spontanément Crumb, Moebius, Neaud et Boilet, à savoir quatre réalistes ! C'est quand même pas anodin.
- Je me suis toujours senti à mille lieux de la culture américaine, qu'elle soit "contre" ou pas. C'est un certain état d'esprit qui m'effraye : les traits sont trop sûrs, l'imagerie est trop virile, l'esprit est trop emphatique. En rock c'est particulièrement révélateur, je n'aime aucun groupe américain, seuls les anglais trouvent grâce à mes yeux. En bande dessinée il faut vraiment que je me sente proche à la fois du travail formel et du ton employé pour que les américanismes ne me gênent plus, comme chez Ben Katchor, Ware ou Ron Regé Jr. Ou alors il suffit que ce soit de l'absurde génialissime, comme Kupperman ou "Le Bus". En dessin animé c'est ça qui me fait être fan de Groening et de Plympton, c'est ce sens inouï de l'absurde. C'est ce que je croyais trouver chez Crumb jadis, alors que ce n'est pas du tout son domaine apparemment. Cela a dû beaucoup jouer dans ma déception. Toute la dimension de satire sociale ne m'attire absolument pas quand elle est traitée de cette façon.
Bon, en fait je me suis répondu à moi-même. Vous n'êtes donc pas obligés de me conseiller des livres, c'est sûrement sans espoir. |
 | |  |  | T'inquiète c'est normal. Déjà Crumb c'est super moche et souvent mal foutu, ce qu'il raconte n'a aucun intérêt, et il y a une escroquerie à la base c'est qu'on veut nous le faire passer pour l'apôtre de la contre-culture alors que c'est, et ça a toujours été un gros con réactionnaire de base.
Bref, Crumb c'est de la merde donc si tu n'accroches pas c'est que tu as un goût très sûr et que les baltringues qui veulent te vendre de la hype n'ont pas prise sur toi, tu peux donc t'en réjouir. |
 | |  |  | Alors voilà, j'avais laissé un message sur le blog de Cornélius il y a quelques temps, mais apparemment il n'a pas été accepté ou alors ça a bugué (je pense que c'est ça, car je ne vois pas ce qu'il y aurait à censurer). Donc je me confie ici, du coup.
Je vais avoué quelque chose d'incroyable : je n'ai jamais lu de Crumb en entier car tout ce que j'ai lu pour l'instant m'a déplu. Ni le texte ni le dessin ne me touchent ni ne m'intéressent. J'ai l'impression que c'est quelque chose de très rare de dire ça, que c'est un peu comme Moebius, qu'on est obligé d'aimer si on aime la bande dessinée (même Moebius me plaît davantage même si je suis loin d'en être fan). Du coup je voulais savoir si vous pensiez que c'était normal vu mes goûts, que cela n'avait rien d'honteux, ou bien s'il faut urgemment que j'aille lire tel ou tel livre. Je me réjouis de la parution du best-of "La crème de Crumb", mais sans être sûr à la réflexion qu'une compilation me convienne.
Voilà, merci docteurs de vous pencher sur mon cas. C'est combien ? |
 | |  |  | Pierre : | La rétrospective Crumb au musée d'art moderne de la ville de Paris est époustouflante, il faut y aller. |
Ça a l'air rudement chouette, mais je suis pas parisien, hélas...
En revanche, j'ai la radio et, en attendant un hypothétique et éventuel séjour dans la capitale, j'ai écouté d'une oreille distraite, hier, "L'atelier de la création" sur France Culture, consacré hier à Robert Crumb et à cette exposition, réécoutable sur le site. |
 | Pierre, 04.05.2012 à 0:12 | 344444 |
|  |  | La rétrospective Crumb au musée d'art moderne de la ville de Paris est époustouflante, il faut y aller. |
 | |  |  | en passant, je suis en train de lire ce Crumb et j'ai l'impression qu'il met en place le procédé qu'il va pousser à son paroxysme dans "La genèse", à savoir illustrer un texte de manière à la fois très fidèle tout en réussissant à lui imprimer sa marque...
Par exemple, le texte de Psychopathia Sexualis possède un ton clinique et est empreint d'un moralisme sous-jacent, alors que les illustrations de Crumb, sans forcer le trait, laisse transparaître sa compassion pour les cas décrit.
Inversément, le texte prétentieux de Boswell est contrebalancé par un dessin qui met en relief le ridicule de crétin fat et hypocrite.
Mais on parle de Crumb, et Crumb, c'est Crumb. |
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