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© Vents d'Ouest

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Pyrénée
ScénarioLoisel Régis
DessinSternis Philippe
CouleursSternis Philippe
Année1998
EditeurVents d'Ouest
SérieOne-shot !
Bullenote [détail]

 

1 avis

Mr_Switch
Nous sommes début 2004. « Ah tiens, ils ont renouvelé le stock à la bibliothèque ! Prenons les 2 Loisel… Voyons. Ce sont Trouble-fête et Pyrénée. » Loisel illustre le premier et scénarise le second.
Pyrénée, ça tombe bien, ça fait longtemps que j’ai envie de le découvrir*.
« Ouvrons ce Trouble-fête. Oh, la jolie gironde madame, oh le joli bien membré monsieur… pas de doute sur le sexe des personnages, je suis formel. » Disons-le, Trouble-fête est quelque part un anti-Quête de l’oiseau du temps, le lecteur n’attend pas longtemps pour voir les héroïnes dans le plus simple appareil. Bref l’album va plus loin qu’un gentil érotisme tacite, c’est un album explicite. « Bon c’est marrant à feuilleter 30 secondes, passons à Pyrénée. »

Un cirque explose. Une petite fille, la future « Pyrénée », perd sa famille et est recueillie et élevée dans … les Pyrénées, par un ancien ours captif du cirque. L’ours a un collier clouté de dressage, symbole de sa captivité mais Pyrénée réussit à le lui ôter. Au fil des mois, elle devient une sorte de Mowglie moins exotique, une Tarzanne basque de 10 ans. A l’exception sans doute que Pyrénée est moins pudique que ses cousins de la Jungle ! Pas de peau de bête pour elle, normal, elle n’a pas conscience de son humanité. Néanmoins la lecture de quelques répliques ambiguës peut faire frémir quand on vient de consulter Trouble-Fête.

Pyrénée découvre la vie grâce à ses tuteurs, l’ours et le renard. Elle fait aussi des découvertes seule. Elle pêche une bouteille et se la joue Les dieux sont tombés sur la tête.
Tout irait à merveille dans le meilleur des mondes si Papa ours n’arrivait pas en saison de reproduction. La fillette s’imaginait pouvoir être la nouvelle compagne de son père adoptif. Mais que nenni, lui n’est pas d’accord, et il a trouvé une ourse bien à son goût…
… Et Pyrénée doit accepter son humanité !
Papa ours disparaît ; et la jeune fille part en quête initiatique avec un vieil aigle aveugle. Elle doit rencontrer « l’Ancien »… Mais elle ne le trouvera pas et pour cause…
En outre, elle se trouve confrontée aux dures réalités de la vie. Le rude hiver approche ? Que cela ne tienne, il y a le manteau du berger mort. Dommage que la ceinture ait été égarée, elle aurait plus chaud s’il restait fermé. La nourriture manque ? Pas grave, le berger a gardé des boites de conserve pour un régiment.
Bon an mal an, elle découvre le sens de sa vie. Et enfin elle accepte son état d’humain… et se retrouve avec un collier de dressage. Son père lui a fait cadeau du sien, en échange de son nounours en peluche.
En dernière case, Pyrénée a enfilé le collier clouté et part vers la civilisation. Cela constitue quand même une fin un peu maladroite. Ce genre de collier a en lui-même une symbolique forte de domination. Le retrouver au cou d’une femme (d’une fillette) peut paraître un peu bizarre.
De plus, ce collier était l’évocation du malheur passé, de la captivité de l’ours. Il n’est pas d’égale valeur avec le nounours. L’animal fait un bien étrange cadeau à sa fille. Je vais trop loin dans la recherche de symbole ? Possible mais depuis le début de l’album, Loisel surfe sur de multiples métaphores, allégories et clichés. Alors pourquoi mettre celui-là à la trappe du premier degré ?

En réalité, le vrai reproche qu’on peut faire à cette histoire est de n’être qu’une fable assez plate, de ne pas être globalement bien originale.
Le dessin de Sternis est léger, très agréable. Le bestiaire est bien croqué. Pyrénée nue n’est pas choquante en contexte.
Néanmoins, ma citation de Trouble-Fête dans cette chronique, dont la première mouture date de 2004, n’était pas anodine à l’époque. Elle ne l’est toujours pas en 2020, à l’heure où je l’actualise.

Je n’ai jamais comparé les deux albums dans leur contenu, dans leur visée. Leur point commun, Loisel, peut paraître anecdotique.
Il est évident que lire Pyrénée à la suite de Trouble Fêtes est forcément source involontaire de malaise.
Mais il est tout aussi évident que c’est le hasard qui a induit cet enchaînement de lecture !
Ça reste à voir, ça.
Durant plus de dix ans, je n’ai pas pu me débarrasser d’un je-ne-sais-quoi qui me taraudait. Ce n’est pas le hasard qui m’a fait lire ces deux livres en même temps. C’est la classification Dewey, qui n’a rien d’hasardeuse. Ce n’est pas une comparaison entre ses deux livres qui me gênait.
Non.
Mais quoi alors ?
La réponse est pourtant simple : que faisait Pyrénée au secteur adulte ? Si ce bouquin n’est pas explicitement présenté comme un livre jeunesse, il est considéré comme tel par quasi tout un chacun. De fait, cette bande dessinée se veut une fable pour tous.
Pourtant, pour une raison ou une autre, cet album est classé en adulte dans nombre de bibliothèques (quand celles-ci ont encore ce livre, tant il semble avoir été chassé des bacs…)
Or, en réservant cette histoire de petite nouvelle Eve à un public adulte, on modifie inévitablement la portée de cet album. Pour dire les choses plus clairement : le livre évolue sur le fil d’un certain pédo-érotisme dans lequel il ne tombe pas si l’on considère qu’il s’agit de l’histoire d’une petite héroïne destinée avant tout à de petits lecteurs ; mais en en faisant un livre strictement pour les adultes, ce fil ténu menace de se rompre.
Tout ça est nébuleux. Et ce n’est pas la fiche de la BnF qui va nous aider, elle qui en fait un livre pour les adolescents. Ce n’est pas le site de Glénat qui nous aiguillera, lui qui vendrait bien ce livre de son fonds comme un titre sur l’alpinisme…

Ce je-ne-sais-quoi qui me taraudait, ce n’était donc pas tant la présence de Pyrénée à côté de tel autre ouvrage. C’était sa présence au sein d’un corpus de lecture strictement pour adulte. Comment en considérant un livre étonnant, en le réservant à un public averti, l’a-t-on rendu encore plus scabreusement étonnant**. Comment en considérant ce livre potentiellement choquant, le place-t-on dans une situation le rendant potentiellement encore plus choquant.

* j’avais hérité d’une affiche de Sternis où l’on voyait l’ours de Pyrénée. Vouloir lire la bande dessinée d’origine était somme toute assez logique.
** Il est maintenant disponible sur demande dans certaines bibliothèques, rendant la situation encore plus équivoque…

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