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© Atrabile

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Panorama
ScénarioPhang Loo Hui
DessinManche Cédric
CouleursNoir et Blanc
Année2004
EditeurAtrabile
CollectionFlegme
SériePanorama, tome 1
autres tomes1 | 2
Bullenote [détail]

Situé dans le Japon des années 20, Panorama décrit les relations ambigües qui lient deux jeunes gens, Yukio, un photographe provocant, et Hariyoshi, un étudiant solitaire.

 

2 avis

lanjingling
En feuilletant cet album, on a d'abord une impression de calme, due a une mise en page en gaufrier et un dessin en noir et blanc rehaussé de quelques nuances de gris. Puis on s'apercoit que le dessin, pour simplifié qu'il soit, est extrèmement précis quand aux gestes, aux attitudes, à l'expression des sentiments des personnages. Enfin on se laisse emporter par le rythme nonchalant de l'histoire, la beauté et la finesse des dialogues, toutes les ambiguités du scénario, auquel la juste simplicité des dessins ouvre la porte à toutes les interprétations que pourra faire l'imagination du lecteur.
Enfin, j'ai beaucoup apprecié le fait qu'il soit inutile de connaître les multiples références culturelles de ce livre se déroulant dans le Japon des années 1920, à une époque où le conflit entre les traditions et l'ouverture à la modernité occidentale était très présent (très jolie scène où un homme et une femme commandent du martini dans un café), pour apprécier l'histoire; au contraire, il donne envie d'aller plus loin et de découvrir ou de redécouvrir les écrivains et les artistes qui y sont cités, comme Harunobu, Kenji Miyazawa, Edward Weston ou Man Ray.
Une nouvelle belle surprise des éditions Atrabile.
Coacho
Parfois, vous ouvrez un livre, vous le parcourez, puis vous le lisez attentivement pour en ressortir d’une humeur différente. Il s’est passé quelque chose, vous avez été transformé.
Vous ne savez ni comment, ni pourquoi mais c’est pourtant bien réel.
Vous avez envie de communiquez à votre entourage ce sentiment mais voilà que vous ne savez pas comment faire cela. Comme une paralysie lexicale, ou bien la sensation de ne pas être à la hauteur d’exprimer correctement ce que vous avez ressenti sans risquer d’abîmer ou dénaturer l’œuvre…
C’est le cas de « Panorama », dessiné par Cédric Manche et scénarisé par la brillante Loo Hui Phang que l’on connaît dernièrement pour son non moins sublime « Prestige de l’uniforme ».
Cette scénariste a le don de nous conter des histoires hors-norme face auxquelles il est difficile de rester de marbre.
Mais quid de « Panorama » donc ? Puis-je essayer d’en dire quelque chose de cohérent ?
Sur la base d’une idée simple, nous sommes conduits à pénétrer la vie d’une maison de famille dont les 2 locataires sont aussi différents que complémentaires.
Hariyoshi est un étudiant un peu désabusé et cynique qui termine sa thèse de littérature.
Yukio est plus mystérieux mais semble être un photographe fortuné dont les sujets de prédilection se trouvent du côté de la gente féminine.
Ami et mécène, Yukio suscite, consciemment ou non, une fascination de la part d’Hariyoshi.
M. Mizumi, le propriétaire, fait le lien entre ces deux personnages en les appréciant tous les deux mais en les opposants tout de même, signe d’une aigreur dont nous ne connaîtrons peut-être jamais les raisons…
Dans cette maison, les femmes se succèdent et Hariyoshi, intrigué, va se laisser aller à quelques curiosités bien coupables qui ne vont qu’aiguiser plus encore sa curiosité et son envie de s’approprier le personnage de Yukio, qui devient peu à peu son ami…
Tout en délicatesse, l’histoire rédigée par Loo Hui Phang va nous montrer le chemin trouble que va emprunter ce jeune étudiant qui, pour aussi cynique qu’il puisse être, n’en est pas moins jeune et naïf.
Il passera par le jeu des confidences, celui de la découverte des femmes d’âge mûrs (ou plus perverses), découvrira des pratiques jusqu’alors inconnues de lui, et connaître l’obsession.
En effet, de nombreuses cases illustrent celle-ci par ces créatures « pluri-mamellaires », qui serpentent et l’enserrent, jusqu’à l’intenable.
Ce trouble confirmera son changement de personnalité et conduira inexorablement Hariyoshi à sa mutation en adulte, définitivement, quand il se heurtera aux vices, secrets, et situations particulièrement confuses qui tissent la vie familiale de son ami Yukio.
Cela le conduira à un abandon (de sa chrysalide ?) et à une chute vertigineuse d’un point de vue sentimental.
La perdition, la perversion, l’abandon, le travestissement, jusqu’à l’humiliation même, finiront d’achever sa mutation. D’autres épreuves l’attendent et seront impitoyables.
Le dessin de Cédric Manche est on ne peut plus juste.
Clair, épuré, et non pas minimaliste, il souligne parfaitement les apnées orchestrées par la diabolique Loo Hui Phang qui nous entraîne dans un maelström émotionnel, au rythme nonchalant, qui nous fait finement et habilement accepter le franchissement souvent difficile de ce que notre morale réprouve, sème le trouble, révèle des éléments pour mieux en cacher d’autres.
Les allusions sont légion, les révélations sont prises avec émotion, les silences sont parlants alors que certains dialogues sont volontairement silencieux, bref, vous l’aurez compris, avec beaucoup de sensibilité, vous traverserez toute une gamme de sentiments simples et complexes sans que la dualité soit basiquement binaire.
Qu’ai-je réussi à en dire ? Je ne sais pas… Je suis sûrement aussi illisible que perdu dans ma contemplation introspective. Ce livre est beau, riche, fort, émouvant, frissonnant, inhabituel, prenant, troublant et, à coup sûr, envoûtant pour quiconque veut se laisser bercer par ce conte qui gravite entre réalité et onirisme. Bravo et merci.
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