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| 2093, Sahyadri, chaîne rocheuse du nord de l'Inde. Un satellite militaire, alarmé par un grand dégagement thermique, fait état d'une étrange découverte. Au milieu d'une chute de météores : un être vivant. Les images confirment qu'une jeune femme non-identifiée serait à l'origine de cette catastrophe.
Le même jour à Bombay, la réunion entre le Conseil International de Défense et l'Union pour le Commerce Mondial est brusquement interrompu. Un tremblement de terre dans le port de la vieille ville menace d'engloutir la mégapole.
2075, un orphlinat près d'Alexandrie, Égypte. Incapable de parole depuis la mort de ses parents, Isis Maâdieh est adoptée par le généticien Wadi Ishtar, qui l'emmène à New York, où elle grandit en compagnie de Soh, son fils. À la mort de Wadi, Soh doit alors retourner à Bombay. Ne pouvant supporter l'idée d'être séparée de lui, Isis regagne à son tour l'Inde. Appréhendée à son arrivée pour le meurtre de Soh, elle est incarcérée dans un centre de soin psychopathologique.
Isis se réveille plusieurs années après, dans un laboratoire génétique en orbite autour de la Terre. Plongée dans une chambre d'isolation magnétique, elle contemple son corps. Les souvenirs se mettent à affluer, la fièvre monte. Isis perd le contrôle d'elle-même. La station orbitale décroche de son orbite. Elle peut retourner sur Terre chercher des réponses. |
  DHT
| Il y a encore de la place pour la beauté et pour l'espoir, pour la noblesse et pour la compassion. Il y a surtout de la place pour les auteurs qui, contre vents et marées, ont décidé de faire de l'art et de continuer à en faire. Face à la médiocrité et à la bassesse sociale qui dissimule mal sa vacuité et son malaise derrière un pseudo "humour" dont l'illusion fait de moins en moins recette, ici c'est le courage de l'individu, de l'auteur original et sensible qui suit son propre cheminement et qui a raison de le faire.
Comme antidote au conformisme malsain des "milieux sociaux" et du conservatisme culturel de bas étage, des coteries mondaines et autres magouilles de notables, le salut semble venir de la vie intérieure, de l'authenticité et de la sincérité vis à vis de soi et vis à vis du monde: c'est aussi ce qui émane de cette oeuvre.
Il faut prendre le temps, prendre le temps de dire que "Ma'at" est une série qui va déranger le petit monde de la bande dessinée parce que l'art, le vrai, n'est jamais gratuit ni innocent: ce n'est pas juste de la peinture dans des cases (ce qui rassurerait les institutions), l'art est un acte subversif et idéologique.
Raconter et peindre des histoires différemment, c'est changer le monde de la bande dessinée, c'est oser dire que de nouvelles portes peuvent s'ouvrir pour les auteurs, c'est affirmer encore et toujours qu'ils ont le droit, que tous les auteurs ont le droit, de changer les codes, de se les réapproprier, de montrer que la bande dessinée peut être différente, que le monde de la bande dessinée peut être différent, que notre regard sur le monde peut être différent et que, de ce fait, c'est le monde entier qui peut être différent.
Réfléchissons deux secondes: l'industrie de la bande dessinée, qu'est-ce que c'est? Comme toute industrie culturelle, c'est une machine qui nous dit comment on doit voir les choses, comment on doit penser, comment on doit rire ou pleurer. "Ma'at" est à des années-lumières de ces stéréotypes, et à des années-lumières elle peut tout revisiter: le proche et le lointain, l'intime et l'inaccessible, l'humain et le grand inconnu, l'être et l'image, la figure et l'abstraction, l'humilité et la grandeur, la douceur et l'amertume, la tristesse et la violence, le feu et l'ombre, la matière et l'érosion, la chair et le souvenir...
Ceux qui ne comprennent pas l'histoire de "Ma'at" ont sans doute oublié que notre compréhension passe par des schémas préconstruits par la société et par la culture. La compréhension cartésienne de la narration s'appuie sur certains schémas qui, pense-t-on, président aussi notre vie. Mais un simple effort d'introspection suffit pour se rendre compte que le regard même que nous portons sur notre vraie vie n'est pas forcément linéaire ni évident, et surtout pas cartésien.
Combien d'horizons lointains surgissent d'un regard qui se plonge dans le ciel embrumé ou dans l'usure des immeubles qui défilent sur notre route? Combien de souvenirs confus reviennent au passager qui s'oublie dans son propre voyage? Combien de fois nos actes moteurs, les buts et destinations que nous nous fixons, les mécanismes de l'utile et du nécessaire, se perdent-ils dans ce que nous y mettons de nous-mêmes, du plus profond de notre mémoire et de nos errances face aux brouillages de nos repères, à la suspension du temps, au travail de l'oubli et des réminiscences douloureuses ou sereines?
Interroger devrait être le préliminaire à toute compréhension, comme douter le préliminaire à toute certitude incertaine - et c'est plus que de doute cartésien ici dont il s'agit, car d'un doute qui dépasse toute méthode. Contempler devrait être le préliminaire à toute interrogation. Et ressentir devrait être le préliminaire à toute contemplation. A ceux qui affirment ne pas vous comprendre, vous pouvez leur répondre: "Mais est-ce que vous avez seulement pris le temps de m'écouter?"
Combien d'histoires, enfin, englobent notre propre histoire, la propre histoire de "Ma'at"? La grande Histoire au-delà des histoires, et au-delà du fait historique même, la marche de l'univers qui finira par tout emporter. Il y a tout cela ici, comme cette citation de Lucrèce au début de l'album: "Quelle différence restera-t-il donc entre une masse énorme et un atome imperceptible? Aucune; car quoi que le monde soit immense, la plus petite chose contiendra autant de parts que l'infini..."
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